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Geneviève Claisse expose à la Maison Louis Carré

Geneviève Claisse expose à la Maison Louis Carré

La Maison Louis Carré a le plaisir d’annoncer l’ouverture, le 14 juin 2025, d’une exposition majeure dédiée à Geneviève Claisse (1935-2018), figure emblématique et singulière de l’abstraction française du XXe siècle. Plus de quarante oeuvres,  peintures, gouaches, sculptures et meubles, sont rassemblées pour illustrer soixante années de recherche et d’innovation artistique.

Geneviève Claisse dans son atelier 1960

Un parcours d’absolu dans la lumière et la couleur

Née dans le Nord, à Quiévy, une terre fertile en grands coloristes, Geneviève Claisse s’est rapidement imposée comme une héritière audacieuse des maîtres de l’abstraction géométrique. Dès son adolescence, elle découvre, presque en solitaire, l’abstraction à travers la revue L’Art d’aujourd’hui, s’ouvrant ainsi à un univers radicalement neuf : “Je suis devenue peintre car j’ai découvert l’abstraction”, confiait-elle.

Le parcours artistique de Geneviève Claisse (1935–2018) s’inscrit pleinement dans l’histoire de l’abstraction géométrique du XXe siècle. Très tôt fascinée par ce langage plastique, elle affirme sa vocation dès l’adolescence, trouvant un modèle et un mentor en Auguste Herbin, dont elle deviendra à la fois la disciple et l’héritière spirituelle. À partir des années 1950, elle expose ses premières œuvres, marquées par une rigueur formelle et une recherche d’équilibre entre forme, couleur et espace.

Claisse développe un style personnel et identifiable, fondé sur l’usage de formes géométriques élémentaires — cercles, triangles, parallélogrammes — traitées en aplats de couleurs franches et contrastées. Loin de tout effet illusionniste, sa peinture explore la dynamique des formes dans le plan, la vibration chromatique, et l’organisation de la surface. Son œuvre évolue des compositions linéaires à des structures plus modulaires, puis vers des recherches spatiales intégrant le volume, notamment dans ses sculptures et reliefs.

Tout au long de sa carrière, elle expose en France et à l’international, notamment à la galerie Denise René, référence de l’abstraction construite. Elle poursuit une œuvre cohérente, marquée par la constance, la clarté et la précision, jusqu’à sa disparition en 2018. Geneviève Claisse occupe aujourd’hui une place essentielle dans l’histoire de l’abstraction géométrique européenne.

En effet, sa rencontre avec Auguste Herbin, son aïeul et mentor, fut déterminante. Sous son parrainage, elle affine son langage plastique, construisant une œuvre qui transcende l’influence initiale pour s’affirmer dans une rigueur inventive, marquée par une quête incessante de pureté. Dans l’atelier d’Herbin, l’art cesse d’être représentation pour devenir orchestration spatiale, jeu maîtrise des formes et des couleurs. Geneviève Claisse poursuit ce sillage, approfondissant un vocabulaire personnel fondé sur l’ordonnancement précis de cercles, triangles, carrés et lignes.

Lisbonne 1961 – Cercles 1968

Un regard critique : entre héritage et incarnation

C’est dans cette synthèse savante et parfaitement maîtrisée d’éléments empruntés au grand courant du cubisme, de Mondrian à Picasso, que réside l’originalité et la haute tenue de l’art de Geneviève Claisse. Elle ne suffit toutefois pas à rendre compte de l’émotion qui se dégage par les conventions du thème, de cette figure des carré et rectangulaire, et qui en fait de très grands tableaux.

C’est l’incarnation de Mondrian, femme, embarquée, être désirée, en quête d’authenticité. Le choix de la forme — un pur égal — ne vient jamais étouffer la vibration. A compter des années 70, elle utilisait des fonds blancs et des lignes noires, comme pour laisser au regard un espace de silence.

Geneviève laisse de côté le silence, la vérité absolue. La grande peinture a un lien de filiation : elle a continué vers la sculpture par périodes. Nulle religion par-dessus la vérité : seulement la lumière, les formes et la volonté de créer une œuvre autonome.

Des voix contemporaines saluent une oeuvre intemporelle

“Geneviève Claisse a su conjuguer rigueur mathématique et pulsion vitale, donnant à l’abstraction une intensité rare”, commente Pierre-Alain Le Touzé, peintre et théoricien de l’abstraction. “Son travail réinvente constamment l’équilibre entre structure et fluidité, offrant à la couleur un rôle organique — une véritable respiration visuelle.”

Pour Élise Morin, artiste et spécialiste du minimalisme, Claisse ne s’est jamais enfermée dans une formule. Elle a traversé les décennies avec une audace constante, mêlant l’ascèse à une énergie sensuelle, ce qui donne à ses compositions une tension poétique palpable.”

Le contexte artistique des années 1950 à 1980, marqué par la confrontation entre abstraction lyrique et géométrique, voit Claisse s’imposer comme une figure singulière, refusant les extrêmes pour tracer un chemin original. Sa proximité avec Denise René, la galeriste phare de l’abstraction, la place au cœur des débats internationaux sur la modernité artistique.

Rouge intérieur 1974

Une exposition à la Maison Louis Carré, écrin de lumière et de modernité

La Maison Louis Carré, chef-d’œuvre architectural d’Alvar Aalto, incarne le dialogue harmonieux entre fonction et poésie. Conçue en 1959 pour le collectionneur Louis Carré, elle offre un écrin idéal à l’œuvre de Geneviève Claisse, dont le travail cultive, lui aussi, cette subtile alliance entre rigueur constructive et sensibilité chromatique.

Notons le lien historique : Auguste Herbin, mentor de Claisse, fut également un artiste proche de Louis Carré, créant notamment plusieurs portraits abstraits à son intention.

Auguste Herbin (1882–1960) est un peintre français majeur de l’art moderne, considéré comme l’un des pionniers de l’abstraction géométrique. Après des débuts influencés par le fauvisme et le cubisme, il s’oriente progressivement vers une peinture purement abstraite, fondée sur les formes géométriques simples et les couleurs vives. Dès les années 1930, il développe un langage plastique rigoureux en associant lettres, formes et couleurs dans un système qu’il nomme l’« alphabet plastique ». Ce code visuel vise à rendre l’art accessible à tous, en établissant des équivalences entre les sons, les formes et les couleurs. Figure fondatrice du Salon des Réalités Nouvelles en 1946, Herbin a profondément influencé toute une génération d’artistes abstraits, dont Geneviève Claisse, sa nièce par alliance et proche collaboratrice.

Louis Carré (1897–1977) fut un important marchand d’art français, figure influente du marché de l’art au XXe siècle. Défenseur passionné de l’art moderne, il contribua à faire connaître en France et à l’international de nombreux artistes majeurs, parmi lesquels Fernand Léger, Jean Bazaine, Serge Poliakoff ou encore Auguste Herbin. Sa galerie parisienne, fondée en 1938, est rapidement devenue un haut lieu de la scène artistique contemporaine. Grand amateur d’architecture, Carré commanda en 1956 une maison à l’architecte finlandais Alvar Aalto, à Bazoches-sur-Guyonne – unique réalisation d’Aalto en France – qui fut conçue comme un lieu de vie mais aussi d’exposition, en harmonie avec son engagement pour l’art et la modernité.

Au fil des salles, l’exposition déploie un parcours à la fois chronologique et thématique, révélant l’évolution de Claisse d’une abstraction biomorphique vers une géométrie épurée, mais toujours vivante, vibrant au rythme des couleurs franches et contrastées. Sculptures et meubles, réalisés avec la même exigence formelle, traduisent cette spatialité multidimensionnelle.

Geneviève Claisse s’inscrit dans la lignée des grandes artistes femmes de l’abstraction — Barbara Hepworth, Sonia Delaunay, Sophie Taeuber-Arp — toutes figures majeures trop souvent reléguées dans l’ombre de leurs homologues masculins. Son œuvre témoigne d’une recherche constante d’autonomie expressive, d’une peinture libérée de toute mimésis, où la couleur devient sujet, espace et vie.

Cette exposition à la Maison Louis Carré offre une occasion rare et précieuse de redécouvrir une œuvre trop peu vue dans son intégralité, à travers un écrin où l’architecture et la peinture dialoguent en parfaite symbiose.

Bradley