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Les manchots de Boulders Beach, une cohabitation réussie entre les humains et les oiseaux marins

Les manchots de Boulders Beach, une cohabitation réussie entre les humains et les oiseaux marins

Boulders Beach est une plage située à proximité de Simon’s Town, à environ 40 km du Cap, en Afrique du Sud, un lieu étonnant peuplé de milliers de manchots.

Aussi appelés manchots africains, ils y vivent en harmonie avec les humains, qui viennent les observer, les photographier ou même nager avec eux. Ces oiseaux marins, les seuls manchots à se reproduire en Afrique, sont une attraction touristique majeure, c’est aussi une espèce vulnérable qui fait l’objet de mesures de protection et de conservation.

Comment expliquer cette cohabitation réussie entre les humains et les manchots ? Quels sont les enjeux et les défis de cette situation unique au monde ?

Boulders Beach, un habitat idéal pour les manchots

L’histoire des manchots de Boulders Beach commence en 1983, lorsque deux couples de manchots sont aperçus sur la plage de Foxy Beach, à proximité de Simon’s Town. Ces oiseaux sont venus de l’île Dyer, une île située à environ 140 km plus à l’est, où se trouve une importante colonie de manchots du Cap. À l’époque, la baie de False Bay, où se trouve Boulders Beach, était fermée à la pêche commerciale, ce qui offrait aux manchots une source de nourriture abondante et peu de concurrence. De plus, la plage de Boulders Beach, qui doit son nom aux gros rochers de granit qui la bordent, offrait aux manchots un habitat idéal pour se protéger des prédateurs et construire leurs nids.

Grâce à ces conditions favorables, la population de manchots de Boulders Beach a explosé, passant de quatre individus en 1983 à plus de 3 000 en 2005. La plage est devenue une attraction touristique populaire, attirant chaque année plus de 60 000 visiteurs, venus admirer ces oiseaux insolites et parfois nager avec eux. La plage fait partie du parc national de Table Mountain, qui gère le site et assure la protection des manchots. Des passerelles ont été construites pour permettre aux visiteurs d’observer les manchots sans les déranger, ainsi qu’un centre d’information qui fournit des renseignements sur l’écologie et le comportement des manchots.

Un mode de vie adapté à la cohabitation

Les manchots de Boulders Beach sont des animaux sociaux, qui vivent en colonies pouvant compter plusieurs milliers d’individus. Ils se reconnaissent entre eux grâce à leur voix et à leur odeur. Ils sont monogames et fidèles à leur partenaire. La saison de reproduction s’étend de février à août. Les femelles pondent deux œufs qu’elles couvent à tour de rôle avec le mâle pendant environ 40 jours. Les poussins naissent sans plumes et restent au nid pendant environ trois mois, avant de se muer et de prendre leur plumage adulte. Ils atteignent la maturité sexuelle vers l’âge de quatre ans.

Les manchots de Boulders Beach se nourrissent principalement de calmars et de poissons de banc, comme les sardines et les anchois. Ils peuvent plonger jusqu’à 130 mètres de profondeur et parcourir jusqu’à 50 km par jour à la recherche de nourriture. Ils sont capables de réguler leur température corporelle en modifiant la circulation sanguine dans leurs pattes et leur bec, selon qu’ils ont besoin de se réchauffer ou de se refroidir.

Les manchots de Boulders Beach ont développé une certaine tolérance à la présence humaine, qu’ils considèrent comme faisant partie de leur environnement. Ils ne sont pas agressifs, sauf s’ils se sentent menacés ou s’ils protègent leur territoire. Ils sont curieux et parfois joueurs, ce qui les rend attachants aux yeux des visiteurs. Ils n’hésitent pas à approcher les humains, à les suivre ou à les imiter. Ils acceptent également de partager leur espace avec les baigneurs, à condition que ceux-ci respectent certaines règles, comme ne pas les toucher, ne pas les nourrir, ne pas les déranger pendant la nidification ou ne pas les harceler avec des flashs ou des drones.

Un avenir incertain pour les manchots

Malgré leur succès apparent, les manchots de Boulders Beach sont confrontés à de nombreux défis qui menacent leur survie. En effet, l’espèce des manchots du Cap est classée comme vulnérable sur la liste rouge de l’UICN, avec une population estimée à environ 50 000 individus, en baisse de 60 % depuis 2004. Les principales menaces qui pèsent sur les manchots sont :

– La perte de leur habitat, due à l’urbanisation, au tourisme, à la pollution et au changement climatique. Les manchots ont besoin d’un espace suffisant pour se reproduire, se reposer et se nourrir. Ils sont sensibles à la qualité de l’eau et de l’air, ainsi qu’à la température ambiante. Ils sont également victimes de la destruction de leur végétation, qui leur sert de matériau de nidification, ou de l’introduction d’espèces invasives, comme les chiens, les chats ou les renards, qui peuvent les attaquer ou les déranger.

– La diminution de leur ressource alimentaire, due à la surpêche, à la concurrence avec d’autres espèces, comme les otaries ou les dauphins, ou au déplacement des bancs de poissons, lié au réchauffement des océans. Les manchots doivent parcourir des distances de plus en plus longues pour trouver de la nourriture, ce qui réduit leur temps disponible pour se reproduire et s’occuper de leurs poussins. Ils sont également plus exposés aux risques de prédation, d’épuisement ou de capture accidentelle dans les filets de pêche.

– La mortalité élevée des poussins, due à la prédation, à la malnutrition, aux maladies ou aux intempéries. Les poussins sont particulièrement vulnérables pendant la période où ils restent au nid, sans plumes imperméables. Ils peuvent succomber au froid, à la chaleur, à la pluie ou au vent. Ils peuvent aussi être la proie des goélands, des mangoustes, des serpents ou des rapaces. Ils peuvent également souffrir de parasites, de blessures ou d’infections.

Pour faire face à ces défis, plusieurs actions de conservation sont menées par les autorités du parc national de Table Mountain, en collaboration avec des organisations non gouvernementales, comme la Fondation sud-africaine pour la conservation des oiseaux côtiers (SANCCOB), le Dyer Island Conservation Trust ou le WWF. Ces actions visent à :

Protéger et restaurer l’habitat des manchots, en limitant l’impact des activités humaines, en éliminant les espèces invasives, en nettoyant les déchets, en plantant de la végétation, en installant des panneaux solaires ou en réduisant le bruit.

Fournir des sites de nidification artificiels, sous forme de boîtes en bois ou en béton, qui offrent aux manchots un abri sûr, isolé et confortable. Ces boîtes sont régulièrement nettoyées et désinfectées pour éviter la propagation de maladies ou de parasites.

Soigner et réhabiliter les manchots blessés, malades ou huileux, en les transportant vers des centres spécialisés, où ils reçoivent des soins vétérinaires, une alimentation adaptée et une rééducation. Ils sont ensuite relâchés dans leur milieu naturel, après avoir été bagués ou équipés de puces électroniques pour assurer leur suivi.

Sensibiliser et éduquer le public, en informant les visiteurs sur les caractéristiques, les besoins et les menaces des manchots, en leur donnant des conseils pour les observer sans les déranger, en leur proposant des activités pédagogiques ou des programmes de volontariat. Ces actions visent à créer un lien affectif entre les humains et les manchots, et à les inciter à adopter des comportements responsables et respectueux de l’environnement.

Les manchots de Boulders Beach sont donc un exemple remarquable de cohabitation entre les humains et les oiseaux marins, qui montre que la nature peut offrir des surprises et des émerveillements, mais aussi qu’elle nécessite notre attention et notre protection.

Si vous avez l’occasion de visiter le Cap, n’hésitez pas à faire un détour par Boulders Beach, pour découvrir ces manchots du Cap, qui vous feront craquer par leur allure, leur personnalité et leur charme. Mais n’oubliez pas de les respecter, car ils sont les ambassadeurs d’une espèce en danger, qui a besoin de notre soutien pour survivre.

 
Reportage et photos : Patrick KOUNE