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Les principes fondamentaux du bouddhisme

Les principes fondamentaux du bouddhisme

Paru initialement en anglais il y a près de quarante ans, l’ouvrage Les principes fondamentaux du bouddhisme de Kogen Mizuno, par les Editions Sully, s’est imposé comme un classique moderne de l’introduction au bouddhisme. Ce livre, réédité huit fois en dix ans dans sa version anglaise, offre aux lecteurs une explication claire et vivante des enseignements essentiels du Bouddha.

L’auteur, à la fois moine bouddhiste Sōtō et éminent spécialiste du bouddhisme ancien, allie la rigueur de l’érudit à la foi du pratiquant pour rendre accessible un corpus doctrinal souvent considéré comme complexe. Son approche met l’accent sur les principes communs à toutes les écoles bouddhistes, dans un esprit résolument universaliste et contemporain.

Aux origines du bouddhisme : de Shakyamuni aux différentes écoles

Avant d’aborder les notions philosophiques, Kogen Mizuno commence par replacer l’enseignement du Bouddha dans son contexte historique. Le premier chapitre de l’ouvrage retrace l’évolution du bouddhisme depuis son origine avec Shakyamuni (Siddhartha Gautama, le Bouddha historique) jusqu’aux diverses branches qui se sont développées au fil des siècles. Le bouddhisme primitif, né il y a environ 2 500 ans en Inde autour de l’éveil de Shakyamuni, un prince devenu moine et sage, s’est progressivement structuré après la mort du Bouddha en plusieurs courants. Mizuno évoque ainsi le « bouddhisme des écoles » ou bouddhisme sectaire, issu des premiers conciles et des divisions de la communauté monastique, puis l’essor du courant Mahayana (Grand Véhicule) à travers ses phases ancienne, intermédiaire et tardive. Cette mise en perspective historique permet de comprendre comment, au fil de plus de deux millénaires, la doctrine bouddhique s’est ramifiée en de nombreuses écoles tout en conservant un noyau de vérités universelles.

Mizuno souligne d’ailleurs que le bouddhisme a développé « un corps de doctrines extrêmement complexes qui varient d’une école à une autre », rendant sa compréhension exhaustive difficile. C’est pourquoi il affirme avoir choisi, dans son livre, de « négliger les différences entre les écoles » pour exposer « que les vérités fondamentales communes à tout le bouddhisme ». Selon lui, « dans sa forme la plus pure, le bouddhisme ne prend parti pour aucun groupe ni aucune école en particulier, mais révèle la condition universelle de l’homme. Dans ce sens, il est la religion idéale pour le futur ». Cette perspective guide toute la démarche de l’ouvrage : présenter le cœur de l’enseignement du Bouddha tel qu’il peut être compris et adopté par tous, au-delà des divergences sectaires.

Les enseignements fondamentaux du Bouddha expliqués par Kogen Mizuno

Au fil des chapitres, Les principes fondamentaux du bouddhisme passe en revue les notions essentielles que partagent l’ensemble des traditions bouddhistes. Kogen Mizuno les explique avec pédagogie, illustrant comment elles s’articulent entre elles dans la pensée bouddhique. Parmi ces notions figurent notamment :

  • Les Trois Joyaux (Trois Refuges) – Il s’agit du Bouddha (l’Éveillé, modèle et guide spirituel), du Dharma (l’Enseignement du Bouddha) et de la Sangha (la communauté bouddhiste des moines, nonnes et pratiquants laïcs). Prendre refuge dans ces Trois Joyaux est l’acte fondateur par lequel on devient bouddhiste, affirmant sa confiance dans le Bouddha, sa doctrine et la communauté. Ce sont les piliers sur lesquels repose toute la pratique bouddhique.
  • Les Quatre Nobles Vérités – Considérées comme « les principes fondamentaux du bouddhisme », elles furent le premier enseignement donné par Shakyamuni après son éveil. Ces quatre vérités exposent : (1) la réalité omniprésente de la souffrance (dukkha) dans l’existence, (2) l’origine de la souffrance, à savoir le désir, l’attachement et l’ignorance, (3) la cessation de la souffrance – la possibilité d’une libération, nommée nirvana, lorsqu’on éteint les causes de la souffrance, et (4) le chemin menant à cette cessation de la souffrance. Cette “voie” est précisément le Noble sentier octuple, dernier élément de la liste. Les Quatre Nobles Vérités sont au cœur de tous les enseignements bouddhiques et constituent la base de la philosophie du Bouddha.
  • Le Noble Sentier Octuple – C’est le chemin pratique que le Bouddha préconise pour éliminer la souffrance, en huit volets interdépendants. Il comprend : la Vue juste (ou compréhension correcte de la réalité, incluant les Quatre Vérités), la Pensée juste (intentions dépourvues de malveillance ou de convoitise), la Parole juste (s’exprimer de manière véridique et bienveillante), l’Action juste (agir de façon non nuisible et morale), les Moyens d’existence justes (gagner sa vie sans nuire à autrui), l’Effort juste (faire l’effort de cultiver les états d’esprit bénéfiques), l’Attention juste (pleine conscience de soi, des autres et de la réalité présente) et la Concentration juste (développement de la méditation profonde). Ce sentier en huit points est souvent regroupé en trois domaines, sagesse, éthique et discipline mentale, que l’on appelle aussi la triple formation. Suivre le Noble Octuple Sentier permet de progresser vers l’éveil en transformant à la fois sa compréhension, sa conduite et son esprit.
  • La chaîne des douze causes interdépendantes – Aussi nommée les douze anneaux de la production conditionnée (pratītya-samutpāda en sanskrit), cette doctrine décrit le mécanisme cyclique qui engendre la souffrance et maintient les êtres dans le samsara (le cycle des renaissances). Il s’agit de douze facteurs enchaînés (ignorance, actes volitifs, conscience, nom-forme, six sens, contact, sensation, soif, attachement, existence, naissance, vieillesse et mort), chacun conditionnant l’apparition du suivant. Présentée comme une suite circulaire, cette coproduction conditionnée montre que tous les phénomènes surgissent en dépendance les uns des autres. Elle sert à expliquer l’origine de la souffrance et son maintien tant que perdure l’ignorance. Mizuno en propose une analyse détaillée, soulignant que rompre ce cycle à un maillon (par l’éradication de l’ignorance et du désir, grâce à la pratique du chemin octuple) permet de mettre fin à la souffrance et d’atteindre la libération.
  • La Triple Formation (Triple Enseignement) – Ce terme renvoie aux trois entraînements indissociables que doivent suivre les pratiquants bouddhistes : la conduite éthique (śīla), la discipline mentale (samādhi, c’est-à-dire la méditation et la concentration) et la sagesse (prajñā). Ces trois volets couvrent l’intégralité de la pratique du Noble sentier : l’éthique correspond aux préceptes et à la vie morale (parole juste, action juste, moyens d’existence justes), la discipline mentale recouvre la méditation et la pleine conscience (effort, attention et concentration justes), et la sagesse englobe la vision et la compréhension justes des vérités. Kogen Mizuno explique comment ce triple entraînement graduel conduit à une transformation intérieure profonde : l’observance des préceptes moraux (comme la non-violence, la sincérité, l’honnêteté, la maîtrise de soi, etc.) purifie la conduite et crée un contexte favorable à la méditation ; la pratique de la méditation développe la paix mentale et la clairvoyance ; enfin, cette clarté de l’esprit permet de cultiver la sagesse, c’est-à-dire la compréhension directe de la réalité telle qu’elle est. Ultimement, c’est cette sagesse qui dissipe l’ignorance et mène à l’Éveil.
  • Foi et compassion – Bien que le bouddhisme mette l’accent sur la compréhension et l’expérience personnelle, la foi occupe une place importante dans le cheminement spirituel. Mizuno consacre des chapitres à « l’entrée dans la Voie » et « l’esprit religieux », soulignant le rôle de la confiance initiale du pratiquant dans les Trois Joyaux et de la foi en la possibilité de l’Éveil. Il évoque également les « quatre objets de foi indestructibles » (sans doute la foi dans le Bouddha, le Dharma, la Sangha et la discipline) qui stabilisent la pratique. Parallèlement, la compassion (karuṇā), définie comme l’amour altruiste face à la souffrance d’autrui, est mise en avant en tant que valeur centrale de l’éthique bouddhique. En particulier dans le Mahayana, la compassion universelle, jointe à la sagesse, est l’idéal du bodhisattva qui s’engage à aider tous les êtres. L’ouvrage de Mizuno rappelle ainsi que la bienveillance, la sympathie et le désir de soulager autrui de la souffrance font partie intégrante de la pratique du Bouddha, aux côtés de la quête de sagesse.

En traitant chacun de ces points fondamentaux et d’autres notions comme les Trois sceaux de la Loi (impermanence, non-soi, souffrance) ou les idéaux bouddhiques, Kogen Mizuno offre une synthèse complète de ce que tout bouddhiste, qu’il soit adepte du Theravāda, du Zen, du bouddhisme tibétain ou d’une autre école, se doit de connaître. Ces enseignements communs, tels que les Quatre Nobles Vérités et le Sentier octuple, restent en effet reconnus comme des éléments fondamentaux de la foi dans toutes les traditions bouddhiques sans exception. En insistant sur cet héritage doctrinal partagé, l’auteur réussit son pari de présenter “l’essentiel de l’enseignement bouddhique, commun à toutes les écoles, expliqué de façon claire et vivante”.

Un ouvrage de référence alliant érudition, foi et modernité

Plus qu’un simple exposé théorique, Les principes fondamentaux du bouddhisme se distingue par son accessibilité et la pertinence de son propos pour le lecteur d’aujourd’hui.

Kogen Mizuno, né en 1901 et décédé en 2006, fut un universitaire renommé (président de l’Université Komazawa au Japon) autant qu’un moine pratiquant. Cette double identité transparaît dans son écriture : il parvient à conjuguer la précision savante, appuyée sur les textes anciens qu’il a étudiés et traduits, avec une profonde conviction personnelle dans la voie bouddhique. Ainsi, ses explications ne sont pas qu’intellectuelles : elles sont enrichies par la foi sincère qu’il porte au Dharma et par une compréhension intérieure des pratiques spirituelles.

L’ouvrage, traduit de son japonais original, a séduit un large public international dès sa publication en anglais sous le titre Basic Buddhist Concepts. Son succès (huit réimpressions en dix ans) s’explique par la clarté pédagogique de son approche et son universalité d’esprit. Mizuno s’adresse “à tous”, croyants comme non-croyants, orientaux ou occidentaux, en montrant en quoi l’enseignement de Shakyamuni peut parler à l’humanité entière à travers le temps. Il dépeint le bouddhisme comme une sagesse ancrée dans la réalité de la condition humaine universelle, capable d’apporter des réponses aux tourments de l’existence moderne tout autant qu’elle le fit dans l’Inde ancienne. Par exemple, en exposant la loi de causalité et la notion d’interdépendance, l’auteur invite le lecteur contemporain à réfléchir sur la responsabilité de ses actes et sur la solidarité fondamentale qui lie tous les êtres, un message d’une actualité évidente dans un monde globalisé. De même, l’accent mis sur la discipline mentale et la méditation fait écho à l’engouement actuel pour la pleine conscience et les techniques de gestion du stress, montrant que les enseignements du Bouddha conservent une résonance pratique plus de deux millénaires après leur formulation.

Enfin, Les principes fondamentaux du bouddhisme brille par son équilibre entre rigueur et simplicité. La structure du livre est méthodique, couvrant successivement le contexte historique, les fondements philosophiques, les explications détaillées de concepts majeurs et les aspects pratiques de la voie bouddhique. Pourtant, jamais l’auteur ne tombe dans le jargon inaccessible : chaque notion est expliquée avec des mots simples, des exemples ou des analogies lorsque nécessaire, et replacée dans une vision d’ensemble cohérente. Le style est vivant, loin de tout dogmatisme, reflétant la “sensibilité d’homme du monde contemporain” de Mizuno. On ressent à la lecture un enthousiasme communicatif pour la sagesse bouddhique, qui transparaît dans le souci constant de faire comprendre pourquoi et comment ces principes peuvent améliorer la vie de chacun.

En définitive, ce livre de Kogen Mizuno réussit le pari d’être à la fois une introduction encyclopédique et un témoignage fervent sur le bouddhisme. Il donne au lecteur les clés pour saisir pourquoi des millions de personnes, depuis plus de deux mille ans, se sont tournées vers la doctrine de Shakyamuni. Par sa portée encyclopédique, sa pédagogie et sa sincérité, Les principes fondamentaux du bouddhisme s’impose comme un ouvrage de fond incontournable pour quiconque s’intéresse à la pensée du Bouddha.

Que l’on cherche à découvrir les bases du bouddhisme ou à en raviver la compréhension, cet ouvrage offre une synthèse limpide des vérités intemporelles enseignées par le Bouddha, éclairées par le regard d’un érudit du XXe siècle qui a su en extraire l’essence pour la partager avec nos générations présentes.

Ema Lynnx

Sources :
Kogen Mizuno, Les principes fondamentaux du bouddhisme. Trad. fr. Éditions Sully, édition juin 2025

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