À l’occasion de la sortie de la série Netflix House of Guinness, partez sur les traces d’une dynastie qui a façonné l’Irlande à travers sa bière, ses paysages et ses légendes.
Aux portes de Dublin, une signature pour l’éternité
Un brouillard léger enveloppe les Liberties, ce vieux quartier ouvrier de Dublin. Au détour d’une rue pavée, la silhouette massive de la brasserie St. James’s Gate se dresse, flanquée de son imposante porte noire. C’est ici, un 31 décembre 1759, qu’Arthur Guinness signe un bail de 9 000 ans. Un geste presque insensé, mais qui allait inscrire son nom dans l’histoire du pays.
Pour remonter aux véritables origines, il faut quitter la capitale et rouler vers l’ouest, à travers les routes du comté de Kildare. À Celbridge, dans la cave voûtée d’un archevêque, Arthur s’initia au brassage avant d’ouvrir sa première brasserie à Leixlip. Aujourd’hui, un sentier de 16 kilomètres relie ces lieux fondateurs. Randonnée bucolique entre villages, vieilles pierres et églises oubliées, il invite le voyageur à marcher dans les pas du père de la stout irlandaise.
Quand l’Irlande s’inventa une bière
Bien avant Guinness, l’Irlande brassait déjà son histoire. Les moines médiévaux concoctaient des bières d’orge et de miel dans leurs monastères isolés. Au XVIIe siècle, dans les tavernes enfumées, la bière supplanta peu à peu le cidre et la cervoise. Mais c’est au XVIIIe siècle, avec l’arrivée des porters anglais, que l’île changea de cap. Arthur Guinness saisit cette tendance, ajouta sa touche et créa une bière dense, sombre et onctueuse. Une boisson qui allait devenir plus qu’un simple breuvage : une identité liquide, une fierté nationale.

La bière, ciment de la vie sociale
En Irlande, la bière ne se boit jamais seule. Dans les pubs aux murs tapissés de bois, elle rythme les conversations, ponctue les rires et accompagne les chansons traditionnelles. On commande « a pint » comme on prononce un mot familier, un geste qui rassemble. À Dublin, un soir de rugby, chaque verre levé au-dessus des têtes forme une chorale silencieuse d’appartenance. La bière est partout : dans les célébrations, les deuils, les rencontres imprévues au comptoir. Elle est l’âme des pubs, ces temples sociaux qui font battre le cœur du pays.
Quand on pense à Guinness, c’est bien sûr la Draught qui vient à l’esprit : la pinte noire au col crémeux, servie depuis 1959 grâce à l’invention du système à l’azote, véritable icône des pubs irlandais. Mais l’univers Guinness ne s’arrête pas là. La brasserie reste fidèle à ses racines avec la Guinness Original, plus sèche et plus amère, proche des recettes du XVIIIe siècle, et avec la Foreign Extra Stout, puissante et houblonnée, créée pour résister aux longs voyages en mer et toujours plébiscitée en Afrique et aux Caraïbes.
Plus confidentielle, la West Indies Porter s’inspire d’une recette de 1801, riche et fruitée, tandis que la Guinness Antwerpen, relancée en édition spéciale, séduit par ses notes de chocolat noir et de fruits confits. La maison n’hésite pas non plus à innover, avec la Nitro IPA, étonnante rencontre entre houblons américains et mousse crémeuse à l’azote, ou encore la Guinness 0.0, version sans alcool lancée récemment.
Ensemble, ces bières racontent l’histoire d’une marque capable d’honorer sa tradition tout en expérimentant de nouveaux territoires brassicoles.
Dublin, capitale mousseuse
Entrer dans la Guinness Storehouse, c’est pénétrer dans une véritable cathédrale du malt. Au fil des étages, les visiteurs découvrent le secret des levures, les arômes grillés de l’orge, les campagnes publicitaires qui firent le tour du monde. Au sommet, le Gravity Bar offre une vue circulaire sur Dublin : les toits de briques, la flèche de Saint-Patrick, les collines verdoyantes au loin. Une pinte à la main, on a l’impression de contempler la ville comme Arthur Guinness lui-même l’aurait rêvée.
Pour les curieux, l’Open Gate Brewery joue les laboratoires créatifs, proposant des recettes éphémères, tandis que la distillerie Roe & Co., installée dans l’ancienne centrale électrique de Guinness, invite à explorer l’autre grande passion irlandaise : le whiskey.
Sur les traces de la famille Guinness
L’influence de la famille Guinness se lit dans les pierres de Dublin. Ils financèrent la restauration de la cathédrale Saint-Patrick, sauvant son imposante nef gothique. Ils redonnèrent vie à la Marsh’s Library, plus ancienne bibliothèque publique du pays, où Bram Stoker et James Joyce venaient puiser leur inspiration.
Mais leur legs le plus vivant reste sans doute les espaces verts qu’ils offrirent à la ville. St. Stephen’s Green, au cœur du centre, est aujourd’hui un refuge pour les Dublinois qui viennent s’y promener à l’heure du déjeuner. Plus discret, le jardin d’Iveagh est un joyau caché où l’on se perd entre fontaines et labyrinthes de buis.

Des châteaux et un lac qui ressemble à une pinte
Hors de la capitale, la trace des Guinness mène vers le Kerry et la Muckross House, élégante demeure victorienne. Plus au nord, dans le Connemara, le somptueux Ashford Castle domine le Lough Corrib. Transformé en hôtel de luxe, il allie héritage et hospitalité dans un cadre grandiose de forêts et de lacs.
Mais c’est dans les montagnes de Wicklow que la nature rend l’hommage le plus insolite : le Lough Tay. Vu d’en haut, ce lac sombre bordé d’une plage de sable clair évoque une pinte de Guinness géante, comme si la terre elle-même s’était inspirée de la brasserie de Dublin.

Un voyage à savourer
Guinness, c’est bien plus qu’une bière. C’est une clé pour comprendre l’Irlande : ses paysages, ses traditions, son sens de l’accueil. Un voyage sur ses traces mène du brouhaha des pubs dublinois aux chemins silencieux du Kildare, des jardins offerts aux citadins aux lacs cachés dans les montagnes.
Avec la série House of Guinness, le monde va redécouvrir cette saga irlandaise. Mais rien ne remplace l’expérience d’un voyage : s’asseoir dans un pub de Temple Bar, trinquer avec des inconnus, écouter un air de violon, et lever sa pinte. Lentement, avec émerveillement.

Ema Lynnx
Photos : © Tourism Ireland
L’abus d’alcool est dangereux. A consommer avec modération.