Malgré un contexte économique difficile, les programmateurs du COGNAC BLUES PASSIONS ne manquent pas d’idées pour motiver les spectateurs et adapter leur festival trentenaire. A cet effet, le piano est à l’honneur dans la maison « Remy Martin » pour un exercice baptisé « The Road to Soul ».
Deux musiciens ont performé pour cette édition 2025, Julien Brunetaud et Rémi Panossian. Ce dernier qui s’est produit avec son trio RP3 à Tokyo, Montréal, Rio de Janeiro et aux 4 coins du monde a accepté l’interview proposée par Luxe Infinity. Avec plus de 15 ans d’expérience, ce fan d’Asie a reçu le prestigieux titre de « Chevalier des Arts et des Lettres » du ministère de la culture française et fut lauréat du prix Maison Villevert reçu en 2022 lors du festival piano en Valois. Cet adepte du jazz est originaire de Montpellier et a publié une douzaine d’albums avec son trio ou dans le cadre de collaborations avec Julien Duthu, Nicolas Gardel ainsi que pour le film « Les Ogres » de Léa Fehner sorti en 2016.
RÉMI PANOSSIAN – INTERVIEW
Diego : C’est une première pour toi de venir au Cognac Blues Passions. Quelles sont tes sensations d’être programmé au festival sachant que tu as performé dans de nombreux endroits du monde ?
Rémi : Hier, nous nous sommes régalés à la maison Rémy Martin. Le piano était incroyable et le public très motivé, un moment intense.
Diego : D’ailleurs que penses-tu de cette volonté des organisateurs de diversifier l’offre musicale en mettant en avant un instrument par an ?
Rémi : Jouer en piano-solo dans un festival de blues est assez rare même si l’instrument est très présent dans le style. Ce fut l’occasion de se concentrer durant une heure sur cet unique piano dans un cadre hors norme et je trouve l’idée excellente.
Diego : Devient-on pianiste jeune ou s’agit-il d’un instrument que l’on peut commencer à maîtriser tardivement ?
Rémi : Personnellement, j’ai commencé à 7 ans et je pense que c’est difficile de s’y mettre « sur le tard » même si rien n’est impossible. A 20 ans, j’étais professionnel et j’avais déjà publié mon premier disque ! Je pense que d’autres instruments comme la batterie et la guitare sont plus accessibles.
Diego : Hier soir, as-tu commencé ton set par un morceau de Radiohead où mes informations sont erronées ?
Rémi : C’est pas vrai ! (rires) J’ai beaucoup écouté Radiohead dans ma jeunesse et il y a certains de mes accords qui font penser à ce style musical. Quelques notes similaires partent ensuite sur une musique qui m’est propre…
Diego : De quelle formation pianistique as-tu bénéficié ? Française, Russe…
Rémi : Classique « en plâtre » ! J’ai commencé par le classique puis me suis rapidement orienté vers le jazz à l’âge de 10 ans.
Diego : J’ai cru comprendre que tu jouais souvent en Asie et que tu adorais cette région du monde. As-tu quelques souvenirs particuliers à partager ?
Rémi : Évidemment. Un des premiers concerts effectués avec RP3 en trio, nous arrivons à Taiwan pour le Taichung Jazz Festival pensant jouer sur une petite scène locale. Nous avons performé devant 12 000 spectateurs ! Le trio était tout jeune et cela nous a marqué. Dans le même esprit, un souvenir au Japon où nous avons joué dans une maison traditionnelle avec des portes en feuilles de riz. Il n’y avait que 40 personnes et c’était magique. Un sacré contraste entre ces deux performances proches dans le temps. Deux moments exceptionnels.
Diego : Parles-tu la langue Japonaise ?
Rémi : Je sais commander des bières dans toutes les langues possibles ! (rires)
Diego : Le fameux langage international, au geste ! Côté musical, quelles sont tes influences pop-rock ?
Rémi : J’ai beaucoup écouté les Rolling Stones, Lou Reed, Led Zeppelin et Radiohead comme précité.
Diego : Et tu aimerais collaborer avec certaines de tes influences ?
Rémi : Si Thom Yorke veut venir chanter sur un ou deux morceaux, je suis chaud !
Diego : Damon Albarn également… Fatoumata Diawara m’en a récemment parlé !
Rémi : Tout ce qu’il touche se transforme en or !
Diego : As-tu un rituel avant de monter sur scène genre boire un verre de saké ? (rires)
Rémi : Pas de saké mais je bois un ou deux petits verres. Juste ce qu’il faut pour me détendre et relâcher la pression. Par contre pour le Cognac Blues Passions, j’avoue que l’après spectacle a été plutôt sportif…
Diego : Je sais… il faut assumer !
Rémi : Qu’est ce que c’est que cette ville ? Les bénévoles du village artistes nous ont très bien reçus ! Je suis originaire de Montpellier, j’habite Toulouse et j’ai découvert le Cognac-Schweppes hier soir…
Diego : Joues-tu toujours régulièrement dans un petit bar de Toulouse ?
Rémi : Plus maintenant. Je l’ai fait durant 12 ans tous les mardis soir dans un restaurant où mon piano était à demeure. Il m’est arrivé de jouer en Asie devant 5000 personnes et à peine débarqué à Toulouse à 18h, direction le club où je jouais devant 6 personnes. J’adorais ça !
Diego : Question difficile, quelles sont tes 5 plus belles minutes artistiques ?
Rémi : J’adore les 5 dernières minutes de mes concerts. Les gens sont avec nous et la sensation du dernier accord avant de se lever et d’être applaudi reflète un enthousiasme valorisant.
Diego : Tu interprètes uniquement des chansons originales en solo ?
Rémi : Non, j’inclus quelques reprises comme « Paint It Black » des Rolling Stones et « Merry Christmas Mr Lawrence » de Ryuichi Sakamoto issue du film « Furyo » avec David Bowie. Également quelques standards de jazz réarrangés à ma sauce.
Diego : En parlant de sauce, si tu pouvais dîner avec une personnalité morte ou vivante, laquelle serait-ce et de quoi parleriez-vous ?
Rémi : Albert Einstein. Nous parlerions de télé-réalité… (rires)
Diego : De téléphone portable et de facebook !
Rémi : Plus sérieusement, qu’il m’explique sa vision de l’univers. Également le physicien Stephen Hawking. Ces gens me fascinent et je suis un passionné d’astronomie.
Diego : Durant ta carrière qui a 20 ans, as-tu eu un moment plus difficile qu’un autre ?
Rémi : La période Covid. Notre album « In Odd We Trust » est sorti 15 jours avant et nous avions 70 concerts programmés dans une quinzaine de pays différents. Ne pouvant plus jouer, j’ai aidé un pote en cuisine qui avait ouvert un restaurant sur l’Ile de Ré. Je me suis occupé. L’endroit est à Rivedoux et s’appelle « L’Ane Qui Tangue ». Je bossais 12h par jour sans la climatisation mais c’était génial. Nous étions entre copains.
Diego : Où en est ton 8ème album ?
Rémi : Il est sorti fin août avec quelques singles déjà disponibles comme « Spam » et « The Girl From Lamma ». Nous avons tourné le clip de « Bimbimbop » en Corée.
Diego : Pour finir, quels sont tes plus beaux concerts vécus en tant que spectateur ?
Rémi : Celui du pianiste Sud-Africain Abdullah Ibrahim à Marciac au début des années 2000. Il est ultra-minimaliste et c’est magnifique, j’ai pleuré. La claque monumentale. Également Michel Petrucciani que j’ai vu à l’âge de 10 ans et qui a été comme un déclencheur pour le jazz. Voir cet homme handicapé qui faisait ma taille (car j’étais enfant) jouer comme un fou, m’a motivé.
Mes parents ont été extraordinaires car ils m’ont fait découvrir beaucoup de facettes culturelles différentes. Danse, musique, théâtre, jazz… et ils m’ont accompagné dans mes choix. Pour finir, un concert de Joe Cocker avec mon père et celui de Keith Jarrett en trio à Marciac. Je suis fan.
Diego : Merci Rémi, belle rentrée pour cette nouvelle tournée Asiatique !
Rémi : A bientôt.
Photos de concert : David Parenteau pour le Cognac Blues Passions 2025