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Turquie, rêveries en Cappadoce

Turquie, rêveries en Cappadoce

Rude et douce à la fois, la Cappadoce, en Anatolie centrale, réserve au voyageur bien des émotions, à commencer par celle d’un vol en montgolfière au-dessus de l’immensité rocheuse.

Il faut pourtant aussi s’immiscer dans les cavités secrètes de ses montagnes pour découvrir la riche histoire de cette région.

En Cappadoce, l’air est si léger que l’on croirait pouvoir s’envoler pour se rapprocher de la cime des montagnes et contempler depuis les hauteurs le majestueux spectacle du centre de la Turquie. Ce rêve d’Icare devient réalité par une nuit froide, peu avant l’aube, à bord d’une montgolfière qui convie le voyageur à une expérience onirique au-dessus des cônes de pierre et des hauts plateaux de Göreme. Sur une immense esplanade herbeuse, les passagers patientent dans l’obscurité tandis que se révèlent soudainement à leurs yeux les ballons géants et multicolores, lorsqu’un puissant souffle de gaz illumine leur habitacle pour finir de les gonfler. À peine les passagers montés dans la nacelle, l’objet volant quitte le sol sans secousse, tel une feuille soulevée par un doux vent d’automne. Un étonnant silence accompagne cette ascension, le corps semble flotter en apesanteur dans cette bulle sans moteur, et nous montons, montons toujours plus haut, la terre ferme prend des allures de lointain tandis que atteignons une altitude de 1700 m et survolons ces étonnantes cheminées de pierre aux allures de champignons qui font la réputation de la région. Autour de nous, d’autres montgolfières se balancent doucement, gros bonbons colorés dans le ciel pâlissant. De temps à autre, Emre, le jeune pilote aux commandes, secondé par son adjoint, actionne ses cordages pour présenter sa voile aux vents favorables, et communique avec le sol par radio, tandis qu’il envoie avec ses brûleurs une puissante flamme de gaz propane pour réchauffer l’air de la montgolfière et ainsi maintenir son altitude. Au silence sidéral succède alors un fracas d’enfer qui rompt la poésie de l’instant, mais c’est le prix à payer pour voler…

Le soleil décide de s’extirper de la montagne à l’horizon, mais l’aube a déjà amplement permis d’embrasser le panorama qui s’étend sous nos yeux. Une succession de vallées rocheuses et de plateaux volcaniques troués de gorges et de canyons que l’érosion a creusés au fil des âges donne un aspect lunaire à ce paysage. L’oeil accroche les célèbres “cheminées de fée“ de la Vallée de l’Amour, ces concrétions de dépôts volcaniques qui se dressent comme autant de petits lutins préposés au guet dans ce royaume minéral dominé par le Mont Argée, un volcan culminant à 3900 mètres. Une lueur psychédélique, cadeau du soleil levant, caresse d’un rose délicat les villages de pierre nichés dans cette étendue désertique. Les ombres s’éclairent, les trous noirs de la roche révèlent leurs creux et leurs bosses, les nuances de gris et d’ocres des plateaux s’affermissent, il fait jour, un jour lumineux et aérien commence et nous rêvassons entre ciel et terre.

Le ballon entame doucement sa descente, guidé par le pilote, et dépose habilement sa nacelle sur la remorque d’un véhicule, en plein champ. Emre et son copilote sont des capitaines hors pair qui ont eu à coeur de ne pas secouer le rêve trop brutalement.

 

Fresques et souterrains

Au “pays des beaux chevaux“, traduction officielle du nom Cappadoce bien qu’il en existe d’autres, l’étonnement se prolonge, cette fois dans les anfractuosités des remparts volcaniques. Des trésors chrétiens de l’époque byzantine, qui commence avec la fondation de l’Empire romain d’Orient par l’empereur Constantin en 330 pour prendre fin en 1453, s’y déploient dans les fresques rupestres troglodytes que l’on visite au Musée à ciel ouvert de Göreme. Églises, monastères et chapelles décorés de peintures magnifiquement conservées se succèdent de site en site dans cette région où les hommes ont longtemps creusé le tuf de ces plateaux pour s’y établir. Ils se sont même construit des villes souterraines comme celle de Derinkuyu, où l’on s’enfonce jusqu’à 60 m sur plusieurs niveaux pour découvrir un tissu de galeries desservant des aires d’habitation et de stockage de nourriture ou des zones pour le bétail. Sans oublier un espace architecturé en forme de croix, pour l’église. Ici se réfugièrent, dit-on, des chrétiens pourchassés par l’Empire romain. Mais bien avant eux, des peuples remontant à plusieurs siècles avant J.C avaient commencé l’ouvrage. La suffocation saisit le visiteur contemporain qui explore ces traces humaines à des années-lumière de distance. L’âpreté de ces existences dans les entrailles de la terre, la peur permanente de l’assaillant qui émane de ce témoignage de vies cachées sont saisissantes.

Cosy dans sa grotte

C’est pourquoi il est si doux de retrouver sa propre grotte bien aménagée à l’hôtel Kelebek, sur les hauteurs de Göreme, un ensemble architectural complexe bâti à flanc de roche et dont les couleurs se fondent dans le paysage. L’hôtel propose 37 chambres troglodytes ou en surface. C’est un nid d’aigle bien confortable avec des points d’observation imprenables qu’offrent, d’un niveau à l’autre, des terrasses étagées donnant sur la petite ville de Göreme en contrebas, ou sur les hauts plateaux et les vallées aux noms évocateurs, rose, rouge….de l’amour….des pigeons…Au petit matin, il est bien possible d’être réveillé(e) par le souffle des montgolfières se dandinant tout autour de l’hôtel dans le soleil levant. On peut aussi rester au chaud dans sa grotte. Certaines sont de dimension respectable avec salon privé, salle de bain seigneuriale et ogives monumentales en pierre en guise de tête de lit, dans un décor semi-oriental revisité par l’inspiration du marbre ou de la pierre brute. Taquinés par l’agilité des chats qui sautillent allègrement d’un toit à l’autre des terrasses, les plus contemplatifs se prélasseront devant un succulent petit-déjeuner face au panorama, à l’abri du vent, à l’abri du temps qui passe. Les plus hardis chausseront leurs godillots de marche pour une randonnée. Avant, et c’est incontournable, de déguster les mezze du chef à l’heure où le grand ciel rosit puis s’obscurcit pour laisser place à la pluie d’étoiles.

Sabine Grandadam

Kelebek cave hôtel :
https://www.kelebekhotel.com/en

Découvrir la Turquie :
avec le site https://turquietourisme.ktb.gov.tr ou https://goturkiye.com

Remerciements au Service de la Culture et de l’Information près l’Ambassade de Turquie en France.