Paris sera toujours Paris. Et la Ville Lumière continue de séduire les riches étrangers. La beauté de ses bâtiments, la richesse de ses musées, sans oublier son aura de luxe grâce aux grands noms comme Louis Vuitton, Chanel, Dior, Hermès ou encore les Chaumet, Van Cleef and Arpels, Cartier et des nouveaux venus comme Pinel et Pinel… Car les hôtes des palaces viennent essentiellement à Paris pour le shopping et non pour les affaires. La capitale se devait donc d’enrichir et de
renouveler son offre pour se montrer à la hauteur des leurs attentes. La preuve avec de fastueuses rénovations et l’arrivée de nouveaux établissements.
Paris peut désormais s’enorgueillir d’être la capitale la plus « riche » au monde en 5 étoiles, voire en palaces. La récente réouverture du Lutetia ne fait que confirmer cette tendance. La Ville Lumière s’endormait un peu sur ses fastes passés et l’hôtel de Crillon, Le Ritz voire Le Meurice, splendeurs du XIXe siècle, ne répondaient plus aux attentes des clients du XXIe siècle. Surtout depuis l’arrivée de nouveaux acteurs comme le Mandarin Oriental, le Peninsula ou le Shangri-La. Un vaste plan de rénovation a donc été entrepris. Cette course à l’ultra luxe a commencé à la fin des année 2000. Le gouvernement français s’est aussi invité dans cette quête de l’excellence et, en 2010, le 8 novembre très précisément, a instauré l’appellation « palace » qui distingue les établissements les plus prestigieux de France. Désormais, 25 en revendiquent le label dans le pays dont treize à Paris… le tout dernier en date étant l’hôtel de Crillon qui a rejoint les autres ce mois de septembre dernier. Et bien plus si on
comptabilise ceux qui n’ont pas l’appellation mais le sont de facto comme Le Lutetia en attente d’homologation ou
Le Ritz qui semble-t-il n’a toujours pas posé de demande auprès d’Atout France, l’organisme chargé de délivrer
ce sésame. Mais en a-t-il vraiment besoin pour s’affirmer comme un palace?
Cette montée en puissance, qui se traduit aussi par celle du prix moyen en chambre, a demandé de très lourds investissements. Des ambitions rendues possibles grâce aux investisseurs au reins solides à qui appartiennent ces joyaux de l’hôtellerie. Le Plaza Athénée et Le Meurice au sultan de Brunei, le George V au prince saoudien Al-Walid, le park Hyatt à des Américains, Le Bristol à des Allemands, Le Ritz à l’homme d’affaires égyptien Mohamed al-Fayed, l’hôtel de Crillon à un membre de la famille royale saoudienne, Mutaib Ben Abdullah Ben Abdulaziz, Le Lutetia à Alrov, un groupe israélien… L’un
des rares hôtels prestigieux à battre pavillon français reste le Fouquets ainsi que le plus petit des palaces parisiens La Réserve Paris avec ses 40 chambres détenues par Michel Reybier.
Paris demeure une destination de prestige
Les propriétaires ne lésinent pas sur les moyens, chaque chambre coûterait entre 3 à 5 millions d’euros, et le retour sur investissement est prévu sur le long (très) long terme. Il s’agit aussi d’une question de prestige et, heureusement pour la France, Paris demeure encore une valeur sûre et appréciée, malgré les répercussions tragiques des attentats de 2015 et 2016. La clientèle des palaces est composée de “90 % d’étrangers venant principalement des États-Unis et du Moyen-Orient” et
voyageant surtout pour les loisirs”; expliquait Gwenola Donet, directrice France de JLL Hotels & Hospitality. Ce
que confirmait le directeur du Plaza Athénée François Delahaye : “nos clients sont là pour faire du shopping et assister à de grands événements : défilés de mode, biennale d’art…” Excellence du service, confort hors norme et attentions particulières ne suffisent plus. Les palaces et les 5-étoiles doivent toujours se surpasser pour offrir du rêve, de la nouveauté et s’adapter aux nouvelles tendances de ces richissimes personnes. Alors chacun cherche à apporter sa touche personnelle. Au George V, par exemple, la plupart des employés ont abandonné l’uniforme et les hommes peuvent désormais porter la barbe,” so
shocking” il y a encore quelques années! Ce que le directeur du Mandarin souligne : “les clients ne veulent plus de courbettes, ni de froufrou”. L’hôtel de Crillon propose un service barbier – très tendance – pour ses 124 chambres… Les flottes de voitures laissent souvent place à un système de chauffeurs privés.. Quant à la gastronomie, elle devient un passage obligé
avec au moins un restaurant étoilé. Et une demande qui, là aussi, a évolué. Les hôtes ne veulent plus être confinés à des restaurants d’hôtels, ceux-ci doivent gagner leurs galons auprès des autochtones et des fins gourmets. D’ailleurs ces hôtels prestigieux cherchent aussi à faire venir une clientèle locale avec des initiatives qui vont des “goûters” à un Montaigne Market pour lequel le Plaza Athénée transforme une de ses suites en boutiques pour quelques mois, ou bien les compositions florales de Jeff Leatham qui constituent une destination en soi ainsi que nombre d’expositions d’artistes ou l’organisation de concerts dans les salles de ces lieux d’exception. Cette effervescence dans le domaine de l’hôtellerie de luxe parisien est loin de s’essouffler. 2018 marque l’arrivée dans le monde de l’ultra luxe du Brach Hôtel et du premier hôtel Fauchon, place de la Madeleine, pour ne citer qu’eux. Et d’autres comme l’hôtel Bvlgari et celui Cheval Blanc du groupe LVMH à la Samaritaine
viendront conforter ou renforcer cette offre.
Au cœur du XVIe arrondissement, l’hôtel Brach, du groupe Evok, suscite un intérêt mérité. Il s’est installé dans un immense centre de tri postal des années 70 de 7000m2 pour lequel Evok a donné carte blanche au designer Philippe Starck.
Le résultat est insolite, énergique et répond aux attentes de ses commanditaires “en faire une adresse luxueuse, atypique et connectée à son quartier”. Les 59 chambres et suites déployées sur huit étages ont des vues imprenables sur les toits de Paris, la tour Eiffel… Le plus de ce bâtiment de verre, un sublime club de sport ouvert aux clients et aux abonnés – 2 200 € l’année – façon salle de boxe des années 1930 avec piscine, bassin d’eau à 35°C, espace de fitness, cours collectifs, cabines de massage et toute une série de soins avec ostéopathe, kiné ou diététicien. Philippe Starck à la manœuvre s’est inspiré du courant moderniste des années 1930 : matériaux bruts, couleurs chaudes, influences ethniques tels ces panneaux de palissandre ornant les murs et les plafonds, ces fauteuils en peaux de bêtes, ces rideaux en lin tressé, ces canapés et têtes de lit en cuir camel, ces tabourets en perle, ces marbres blancs polis ou structurés, ces moquettes tâchetées comme la peau des animaux… À tout cela s’ajoute une ambiance “comme à la maison” grâce au soin apporté aux petits détails : empilements de livres (renouvelés à chaque rentrée littéraire), objets dispersés sur les étagères, etc.