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Exposition « Eloge de la lenteur », quand la valeur prend son temps

Exposition « Eloge de la lenteur », quand la valeur prend son temps

Du 5 février jusqu’au 22 juin au Pôle Bijou Baccarat avec l’exposition « Eloge de la lenteur », un panel de 17 artisans de la joaillerie exprime la valeur du temps à travers des créations originales et inédites.

Dans une société où l’empressement et la soif de vitesse prévalent dans la culture et dans presque tous les domaines de la vie quotidienne de l’homme moderne, prendre son temps et savoir apprécier sa « lenteur » est presque devenu une aberration pour une génération pressée et impatiente. Et pourtant, une poignée d’irrésistibles remet en question ce culte de la vitesse et adopte un courant d’opinion baptisé « Slow » (d’où Eloge de la lenteur), et revendique un équilibre harmonieux entre vitesse et lenteur.

A l’origine de ce concept, un appel d’un critique gastronomique qui luttait contre la prolifération des fast-foods et défendait la « diversité culinaire et la maitrise des circuits de production et de consommation ». De nos jours, le mouvement s’élargit pour atteindre la plupart des pans de la société (slow life, slow school, slow tourisme, slow management…) et offre des options pour pallier cette tendance généralisée à la hâte et la précipitation.

Témoins de la nécessité de cet ouvrage exceptionnelle du temps sur les créations, les artisans des Métiers d’Art se retrouvent au milieu de cette réflexion et s’alignent pour illustrer à travers cette exposition « Eloge de la lenteur » ces propos de l’auteur Carl Honoré, auteur d’un livre éponyme : « Dans cette guerre livrée au culte de la vitesse, la ligne de front se situe d’abord dans notre tête (…) Le temps libre n’est pas un vide à combler. C’est ce qui permet de réorganiser votre esprit de manière créative (…) Lorsqu’un article est fait à la main, on sait que quelqu’un y a investi du temps – ce qui l’imprègne d’une réelle valeur ». L’honneur est à ces façonneurs de chefs-d’œuvre et fervents défenseurs de la lenteur.

Eloge de la lenteur : La Belgique et ses créatrices d’originalité

Anne-Catherine Mortiaux (Bruxelles), inaugure l’exposition « Eloge de la lenteur » de la plus surprenante des manières… confrontée à une maladie dégénérative qui réduit l’usage de ses mains, elle transmet l’histoire de son corps, marqué par le temps, à travers la collection Art’rose, une série de bagues à l’anneau déformé. Dotée d’un caractère fort singulier, cette collection aux formes et arêtes tranchantes et aux coins pointus exprime un choix de relativiser, une acceptation de soi et même un moyen de sublimer ces affres du temps, en faisant l’expérience d’un certain inconfort qui s’intègrent petit à petit dans le quotidien.

Anne-Catherine Mortiaux et Nadine Sizaire

« A chaque pas, chaque année, des anciens au front borné indiquent la route aux enfants. Lentement, sans déplacement brusque parce qu’il faut que le p’tit comprenne, ils avancent sûrement dans un monde translucide qui ne les touche pas ». Nadine Sizaire (Thiaumont) exprime à travers ces mots l’esprit d’héritage et de transmission de sa collection de pendentifs.

Des artistes français.es à l’authenticité singulière

Telle une ode à l’évolution d’une espèce à travers le temps, la collection de Maïa Amiel (Saint Jean de Védas, 34) est le résultat d’une conception exprimant l’extrême lenteur pendant laquelle le support, corps souple en mailles montées au crochet rembourré, est envahi petit à petit par la broderie. Cette dernière fait preuve d’une complexité inouïe avec une sorte de carapace de perles métal et verre brodée, subtil hommage à la tortue.

Maïa Amiel et Claire Barberot

Passionnée d’innovation et de créations éclectiques, Claire Barberot (Strasbourg, 67) est une créatrice textile issue du monde de la mode. Happée par la lassitude en raison du rythme effréné d’une obligation perpétuelle de nouveautés, elle décide d’accorder du temps au temps et de se donner à la lenteur à travers l’observation, la collecte d’éléments naturels, les dessins, le plissage, ainsi que la broderie et la couture main, pour mieux apprécier l’apaisement que fournit le temps au ralenti.

Avec sa collection aux extrêmes de l’originalité, Lucie Boscato (Strasbourg, 67) exprime la sophistication de la nature. En récupérant des végétaux secs et en les rendant immortelles grâce à un process lent et mesuré de fossilisation, Lucie Boscato crée une beauté éternelle à ces sédimentations en les décorant de dentelles, d’émail et de quelques traces colorées.

Lucie Boscato et Jessie Bensimon

Jessie Bensimon (Paris 75) met également un point d’honneur au lent processus cosmique de transformation géologique des minéraux et gemmes, qui une fois dans son atelier se réincarnent en une magnifique collection de bagues intitulée « Fabuleuses » … une aventure que la créatrice considère comme un dialogue entre imaginaire contemporain et poésie originelle des gemmes millénaires.

Aude Bramoullé (Paris, 75) transporte l’esprit dans un voyage au centre de la terre avec des pièces qui témoignent de la force créatrice et transformatrice de la Nature… Zircon, météorite à incrustation d’olivine, tranche d’amétrine, trompe l’œil en fragments de minéraux et autres spécimens d’une rareté et d’une ancienneté extraordinaires, Aude Bramoulé rend hommage au travail d’émailleur nappé d’une immense humilité dont la Terre fait preuve à travers le temps.

Aude Bramoullé et Florence Bottazzi

Les créations époustouflantes de Florence Bottazzi (Saint-Amarin, 68) jouent sur l’ambiguïté en proposant des formes hybrides, parfois animales, parfois végétales. Ces flacons aux dessins équivoques sont destinés à accueillir non seulement des parfums, mais aussi émotions brutes, souvenirs volatiles, imaginations éphémères ou transpositions perpétuelles.

Véritables chefs-d’œuvre à la pointe du raffinement avec la technique de la réticulation, les amulettes de Ségolène Cavelot (Périgueux, 24) font écho à la fois aux cycles lunaires et aux cycles des végétaux. Comme un rappel au besoin d’apprécier la marche lente du temps, ces créations poussent à sortir de la mécanique classique des mouvements saccadés des aiguilles d’une montre et de se plonger dans une rêverie où le temps n’est plus qu’une illusion parfaite.

Ségolène Cavelot et Clara Delaunay

Clara Delaunay (Igny, 91) décortique les effets du temps à travers une expérience éthérée qui transforme le canevas vaporeux des fils de mohair en un véritable collier aux octaèdres scintillants, tandis que Nina Faivre (Morteau, 25) explore les méandres de l’esprit rogné par le temps en racontant à travers ses pièces la sournoiserie dont se pare la maladie d’Alzheimer.

Nina Faivre et Marion Parfait

Enfin, Marion Parfait (Malakoff, 92) lève le voile sur sa collection de bijoux brodés Ikaah, inspirée des peintures de sable Navajo. Connues pour leur capacité à établir un parfait équilibre entre les êtres, ses mythiques créations de sable témoignent de la force la lenteur, puisqu’il faut environ 12h à 6 personnes pour réaliser une seule pièce.

L’élégance intemporelle des créations suisses

L’imperturbable créatrice Nora Delanoë (Lausanne) dévoile une série de bagues et objets performatifs au caractère mémoriel… Ils rappellent à chacun la nécessité de s’accrocher aux moments agréables et suspendus dans le temps, mais également de reconquérir la lenteur dans le but de se retrouver soi-même et ajuster les horloges de la vie afin de faire face au rythme effréné d’une société en dégradation perpétuelle.

Nora Delanoë et Sarrah Kacem

Quant à Sarrah Kacem (Genève), sa « Collection de la sirène » met l’accent sur la patience dans l’art de la séduction, en usant de la parure comme arme de séduction et en attirant la perle rare d’une façon subtile et délicate. Des caractéristiques qui se reflètent dans ces bijoux d’une beauté et d’une élégance rares, fruits d’un long et méticuleux travail, afin de dévoiler les trésors les plus profonds de la séduction et de l’amour.

Erdan Naréh-Telrit