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Emblem réveille les belles endormies

Pour que l’art de vivre à la française ne soit pas juste un slogan marketing, Martin Pietri et Etienne Valat lancent Emblem en 2015. Leur volonté : réunir une dizaine de PME sous leur bannière dans l’univers de l’aménagement intérieur et de la décoration, des entreprises qui seraient déjà auréolées du label Entreprise du patrimoine vivant ou susceptibles de l’obtenir. Non sans humour, Martin Pietri, ancien responsable de recherche économique à Bercy, qui a quitté la fonction publique pour se frotter à l’entrepreunariat, n’hésitait pas à afficher ses ambitions : devenir le LVMH de l’artisanat français.

L’ affaire prend vite tournure puisqu’en 2005, Emblem fait l’acquisition de Taillardat dont la propriétaire, Micheline Taillardat, cherchait un repreneur. Cette belle maison orléanaise de mobilier de style haut de gamme d’inspiration XVIIIe produit mille pièces par an et regroupe pas moins de six métiers aux savoir-faire exceptionnels. Pour Martin Pietri, cette première prise de participation revêt une dimension toute particulière. Il explique venir d’une grande dynastie d’ébénistes du côté de sa mère : les Jacob-Desmalter. D’ailleurs, Taillardart compte dans son catalogue une chaise Jacob. Tout un symbole. L’entreprise, en bonne santé financière et profitable, réalise près de 75 % de son chiffre d’affaires à l’export et a une solide réputation. Pour l’anecdote, certains de ses meubles et sièges faisaient partie du “casting déco” dans le Marie-Antoinette de Sofia Coppola ou bien, dans le biopic de Jackie, avec Natalie Portman.

2005 est une année riche en rebondissements, car quelques semaines plus tard, Emblem sauve du redressement judiciaire les Faïenceries et émaux de Longwy implantées en Meurthe et Moselle depuis 1798. La société, qui a connu un âge d’or dans les années trente et emploie une quarantaine de personnes, est alors en mauvaise posture. Rebaptisée Manufacture des émaux
de Longwy, l’entreprise redessine son positionnement stratégique. Le design et la création sont revus et des collaborations avec des décorateurs, des designers, des artistes de renom sont mises en place. Vincent Darré, Clément Laurentin, Eric Hibelot (céramiste et “judicieux guetteur de tendances” à l’origine de L’Atelier des Garçons avec Jean-Marc Fondimar), ou encore Mathieu Ducournau (magicien du fil et de la broderie) sont les premiers appelés pour initier ce vent de nouveauté. Car
pour Emblem, ce savoir-faire mérite d’être mieux connu et développé. Il s’agit aussi de mettre Longwy au goût du jour, de lui donner une nouvelle modernité. Et même de trouver une synergie avec le mobilier Taillardat. Avec des projets d’ornements pour le mobilier, de décoration de fresques, de carrelage.

Troisième entreprise à rejoindre le giron d’Emblem : la Maison Vernaz & Filles, installée à Auvernaux depuis 1992 et spécialiste de la dorure à la feuille d’or et de la fabrication de cadres de style dorés. Une nouvelle acquisition en parfaite harmonie avec les deux précédentes. Non seulement, Maison Vernaz & Filles restaure les objets d’art pour des hôtels de luxe, des antiquaires, des monuments historiques (elle a été sollicitée pour le pont Alexandre III, les grilles du Trianon…) et des particuliers fortunés mais elle propose aussi des créations personnalisées. Trouver les “bonnes” entreprises n’est pas
toujours tâche aisée et Emblem marque le pas pendant quelques années. Elle assoit sa réputation, prend à cœur de redonner
dynamisme et prospérité aux entreprises rassemblées au sein de sa structure. À l’automne 2019, elle poursuit son développement avec la reprise des ateliers d’ébénisterie CramanLagarde, entreprise familiale depuis cinq générations, fondée à Revel en 1947 et dont le dernier gérant partait à la retraite. Là encore, la passation se fait en bonne intelligence, JeanPaul Craman a promis de rester dans l’entreprise le temps nécessaire pour soutenir cette transition et faciliter cette reprise. Car Martin Pietri entend bien dynamiser l’exportation des productions revéloises. La société est reconnue pour sa fabrication de meubles sur mesure, sa reproduction de pièces d’après les originaux des XVIII e et XIX e siècles et de répliques de meubles de style Art déco. En plus de ses compétences de marqueterie, de sculpture sur bois, de laque et vernis, elle possède aussi des
savoir-faire uniques sur le travail du bronze et de matériaux rares comme l’ivoire, l’écaille de tortue, la nacre, le galuchat, etc.

Emblem dispose à Paris d’un splendide showroom au sein de l’hôtel d’Artagnan, sur l’emplacement de l’ancien couvent des Carmélites de Grenelle. Sur plus de 200 m2, elle rassemble les réalisations des différentes sociétés. Un endroit où les décorateurs, les architectes d’intérieur, les designers peuvent trouver meubles de style, cadres dorés et émaux… avec des répliques à l’identique d’objets des siècles passés, tout comme des réalisations plus contemporaines, voire même demander des pièces sur mesure. Quand il s’agit de luxe et d’excellence qui réunissent les compétences de savoir-faire exceptionnels, tout est possible. Sans passéisme poussiéreux, Martin Pietri expliquait dès 2015 vouloir “marier le savoir-faire du XVIIIe siècle avec la technologie d’aujourd’hui. Pour pouvoir écouter de la musique ou recharger son portable sur son bureau classique…”

Marie Miller