“Entre créativité et technicité, savoir-faire et haute joaillerie sont inextricablement liés. Les précieuses parures ne pourraient pas voir le jour sans la main de l’homme, ni l’expertise de maîtres-joailliers forts d’une longue expérience et d’un héritage séculaire. Ces artisans de l’exceptionnel s’attachent à transmettre et valoriser ces deux verbes devenus un seul et même concept : le savoir-faire. “
PAR CARINE LŒILLET
Signées par les maisons de la Place Vendôme et quelques prestigieuses marques européennes, les parures de haute joaillerie réalisées par des maîtres-joailliers, souvent à l’aide d’outils ancestraux, représentent de véritables prouesses techniques, qui font appel aux techniques de sertissage les plus pointues. Entre l’ultra-préciosité des métaux et la rareté des pierres, l’audace des formes et les mélanges de couleurs, ces montures d’apparat possèdent une intemporalité et un caractère unique qui en font des pièces d’exception, dont la valeur peut atteindre des sommets. Deux fois par an, les maisons de haute joaillerie présentent leurs dernières réalisations à Paris, pendant la semaine de la Haute Couture. Derrière la beauté spectaculaire des pièces uniques apparaît en filigrane le travail manuel de métiers rares et le savoir-faire propre à chaque atelier. Mais aussi, en amont, tout l’imaginaire créatif des directrices artistiques qui conçoivent ces collections. En effet, depuis quelques années, les femmes s’imposent de plus en plus dans ce domaine.
Emmaillements invisibles
Réalisée exclusivement dans les ateliers parisiens de la Maison Louis Vuitton, la collection “Spirit”, créée par la directrice artistique Francesca Amfitheatrof, poursuit son odyssée avec un second et ultime chapitre. La ligne Destiny se présente comme une ode au rubis. Trois ans de recherche ont été nécessaires pour réunir les 34 rubis suspendus au collier de cette parure. Ce parfait appairage de couleur, d’intensité et de pureté atteint son apogée avec la présence d’un rubis couleur “sang de pigeon” taille poire de 3,13 carats, arrimé à un diamant LV Monogram cut. Formé d’une succession de V et d’une alternance de triangles ornés de V de tailles différentes, le collier à trois rangs épouse les lignes du cou à la faveur d’un emmaillement indécelable.
La collection “Beautés du Monde” de Cartier compte quatre colliers d’exception, dont l’un d’eux est serti d’émeraudes, de spinelles, d’onyx et de diamants sur platine. Baptisé Obi, ce collier rend hommage à la culture nippone. Un ensemble rare de huit émeraudes taille cabochon, dont un spécimen de Zambie de 12,53 carats, attire le regard. Les gemmes deviennent le cœur de motifs rayonnants, reliés les uns aux autres. La rondeur des cabochons contraste avec la géométrie du motif, ponctué de petits rubis calibrés. Par de délicats inserts d’onyx taillé sur œuvre, les angles sont marqués, les volumes accentués, le collier tout entier prend du relief.
Inspirations historiques
Chez Boucheron, la collection “Histoire de Style, Like a Queen” s’inspire d’une icône du style qui a marqué deux siècles : en 1944, la Princesse Elizabeth reçoit pour ses dix-huit ans une broche double clip en aigues-marines et diamants de Boucheron. Elle portera ce bijou sentimental tout au long de son règne, y compris en février 2022, au cours du 70e anniversaire de son couronnement. En 2020, Claire Choisne, directrice des Créations de la Maison Boucheron, décide de réinterpréter cette pièce unique pour créer une collection de haute joaillerie où le célèbre motif Art déco est décliné au travers de dixhuit créations contemporaines. Avec, notamment, une manchette hyperbolique en or laqué serti de diamants et d’aigues-marines taillées en cabochon et en baguette. Bien que le design de cette pièce reprenne, quasiment à l’identique, celui de la broche double clip de 1937, l’emploi de laque bleue surlignant les pierres lui confère une allure très actuelle.
La créatrice taïwanaise Cindy Chao, qui confie ses créations à des ateliers de joaillerie parisiens, a présenté “Black Label Masterpieces” en janvier dernier. Les pièces X et XI, les deux broches Spring Cardamom, ont été dévoilées ensemble. Similaires mais asymétriques, elles s’inspirent de causses de cardamome. Chacune abrite une émeraude taille cabochon d’environ 81 carats, d’une qualité et d’une taille exceptionnelles. Les gemmes sont entourées d’autres pierres d’exception : diamants jaunes et bruns, tsavorites, démantoïdes, grenats, alexandrites et saphirs verts. Sans oublier la boule sertie de diamants blancs taille rose. Chaque broche est articulée de manière à épouser les mouvements, une signature du savoir-faire de Cindy Chao The Art Jewel.
Prouesses techniques et pierres d’exception
La maison londonienne Graff a aussi choisi Paris pour dévoiler pour la première fois un collier de diamants, avec en son centre un impressionnant diamant ovale de 50 carats D Flawless. Le collier, inspiré de la collection Tribal, se présente comme une véritable cascade de diamants blancs qui entoure la pierre exceptionnelle pour mieux en souligner la rareté. L’ensemble représente un poids total de 150 carats, uniquement réalisé avec la reine des pierres précieuses. L’un des nouveaux colliers présentés par la maison Bulgari intègre la collection Serpenti. Il s’agit d’un tour de cou rigide en or blanc, serti d’éléments en onyx, de 92 émeraudes taille baguette pour un poids de 9,53 carats et de diamants taille brillant pour un poids de 27,83 carats. Pour créer cette pièce, la directrice artistique de Bulgari, Lucia Silvestri, s’est inspirée d’un tableau : le portrait de Simonetta Vespucci par Piero di Cosimo.
Chez Dior, Victoire de Castellane poursuit sa célébration du patrimoine de la maison dans une profusion de pierres de couleurs et de diamants. Dix ans après “Dear Dior”, cinq ans après “Dior Dior Dior”, Victoire de Castellane continue d’écrire le lexique joaillier de la Maison avec une nouvelle interprétation de la subtilité de la dentelle, incarnée par la collection “Dearest Dior”. Chacune de ces créations raconte la volonté de la directrice artistique de Dior Joaillerie de créer des bijoux qui se portent au plus près de la peau, empruntant à la dentelle sa finesse et sa légèreté. A l’image de la broche/ pendentif Dearest Dior, sertie de rubis et de diamants, qui se porte indifféremment autour du cou ou sur un vêtement, en fonction des circonstances, de l’humeur ou de la personnalité. Une prouesse qui témoigne de l’excellence des ateliers de Dior, mise en lumière à travers les nombreuses techniques nécessaires à la conception de ces pièces précieuses.
Dans la ronde des savoir-faire, De Beers joue aussi sa partition et a présenté au début de l’année une sélection de pièces de la collection “Metamorphosis by De Beers”, dont le premier chapitre est intitulé Prelude. La bague cocktail Prelude n’a pas manqué d’attirer l’attention : en or blanc, rose et jaune, sertie d’un diamant blanc taille brillant (environ 0,76 carat) et de diamants blancs, bruns et jaunes, d’un poids total de 6,61 carats, son design est inspiré de la nature au fil des saisons. La collection associe l’or blanc, l’or jaune et l’or rose à des diamants blancs, bruns ou Fancy, sélectionnés pour rappeler les teintes associées à chaque saison. Une réalisation artistiquement et techniquement audacieuse, en phase avec ces pièces uniques qui mettent en lumière un savoir-faire artisanal, aussi technique que rare, totalement inhérent au monde de la haute joaillerie.