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Les outsiders, ils sont grands ces petits

Les outsiders, ils sont grands ces petits

Méconnues du grand public mais créatives et originales, les petites marques qui appartiennent bien souvent à la “nouvelle horlogerie” ont tout pour répondre au souhait d’un nombre de plus en plus important d’amateurs en quête de garde-temps de haute volée, leur permettant de souligner leur originalité et leur connaissance du métier. Ce petit tour d’horizon des plus inventives devrait permettre aux passionnés de trouver leur bonheur.
PAR VINCENT DAVEAU

Un rapide sondage récemment réalisé auprès d’amateurs de montres a mis en lumière combien étaient peu nombreux ceux capables de citer le nom de plus de deux ou trois marques sortant des sentiers battus. Pourtant, un grand nombre d’entre elles étaient présentes lors du salon Geneva Watch Days qui se tenait dans la ville de Calvin au début du mois de septembre. Ce constat étonnant d’une différence entre notoriété et présence sur le marché soulignait l’importance de parler de ces acteurs de l’ombre, dont la caractéristique principale, en plus de leur rareté, est d’être d’une créativité débridée et souvent à l’avant-garde de la technologie horlogère, la « nouvelle horlogerie ».

Nouvelle horlogerie récréative

Apparues pour la plupart après les années 2000, les maisons de la branche que les professionnels appellent “la nouvelle horlogerie” partagent presque toutes un point commun : celui d’avoir un affichage de l’heure original. La première à avoir saisi l’importance de créer une rupture dans ce secteur pour attirer l’attention du public est Urwerk. Les fondateurs de la nouvelle horlogerie, Félix Baumgartner et Martin Frei, ont brisé les codes de lecture dès 1997 en présentant des garde-temps aux lignes futuristes, aux indications disruptives et conçus dans des matériaux souvent issus de l’aéronautique. Dénotant visuellement au sein de l’association des créateurs horlogers indépendants (AHCI), ils ont été rapidement suivis par d’autres jeunes concepteurs désireux de faire leur place au soleil dans un univers qu’ils considéraient comme trop traditionnel. Leur vision a évidemment influencé Richard Mille, qui gravitait régulièrement autour de leur stand, il y a plus de 25 ans. Mais cette démarche, qui s’incarne à merveille dans leur nouvelle création UR-100 Electrum, a également incité les fondateurs d’Hautlence à revoir l’affichage traditionnel. Lancée en 2003, cette maison a su séduire avec sa manière d’imaginer les montres et leur présentation horaire. La ligne HLS, originale et élégante, a été élaborée à partir du constat d’un journaliste indépendant qu’il fallait se démarquer des modèles d’origine, trop proches graphiquement de la Monaco de TAG Heuer, sur laquelle ces dirigeants avaient travaillé. Depuis, la marque a changé de mains et fait évoluer ses designs sans renoncer à jouer la carte de la rupture graphique. D’autres ont suivi le mouvement et proposent, comme MB&F, – marque fondée par Maximilian Büsser, le directeur d’Harry Winston Rares Timepieces -, de formidables machines à dire le temps. La dernière en date : la LM101. Véritable bijou cinétique, elle associe différents savoir-faire pour révéler la valeur du temps. C’est aussi le choix fait par la maison De Bethune qui, avec la DW5 Empreinte, associe l’art graphique à l’art horloger pour donner naissance à une
pure merveille de mécanique. Comme cette référence, certaines marques, au nombre desquelles il faut compter Rebellion Timepieces, se distinguent aussi par leur approche décalée de l’habillage, entraînant un mode de lecture original. La Weap-One de cette jeune signature en est la synthèse faite montre.

L’heure en toute transparence

Parmi tous les artifices possibles pour se faire remarquer, la transparence fait partie des plus appréciés. Et il l’est en particulier des entités dont le volume de production se situe entre les grandes marques généralistes et les indépendants. L’exercice, parfaitement maîtrisé d’un point de vue industriel, offre aux amateurs de découvrir les parties cachées de la mécanique. Cela leur permet de se sentir plus proches d’une technologie dont le fonctionnement leur échappe, dans l’ensemble. Sorte de théâtre cinétique au grand jour, la transparence est le terrain de jeu privilégié de l’entreprise Hublot. La nouvelle Big Bang Integral Tourbillon Full Sapphire en est l’exemple récent le plus frappant. Mais d’autres acteurs
du métier savent jouer avec la lumière pour exprimer leur talent. La manufacture Girard-Perregaux vient de proposer, avec la Tourbillon sous Trois Ponts Volants, une montre contemporaine où la mécanique semble léviter au milieu d’un boîtier transparent. Magique d’équilibre et d’onirisme. De la même façon mais avec un caractère futuriste plus affirmé, les maisons Ulysse Nardin et Jaquet Droz dévoilent des squelettages avant-gardistes afin attirer l’attention des amateurs avides
du grand frisson avec les modèles  Blast et Grande Seconde SkeletOne Tourbillon. Et en matière de lévitation dans le vide, une signature comme Jacob & Co sait de quoi il retourne puisqu’elle a fait sa marque de fabrique des objets se mouvant dans un boîtier dessiné comme le serait une vitrine. Les créateurs de la maison Purnell surfent sur une vague similaire car leur existence procède des visions de la précédente marque citée, la mécanique du tourbillon multi-axial en sus.

Donner sa chance à la pure mécanique

Horlogerie mécanique oblige, toutes ces maisons désireuses de s’attirer l’attention des amateurs avertis travaillent leur approche du métier en développant des calibres époustouflant de technicité. Mais certaines font un effort particulier que seuls les plus avancés dans cet art parviennent à comprendre. Une microscopique entité comme celle de Bernhard Lederer et de sa compagne fait figure d’électron libre car la technique que cet horloger développe pour ses pièces demande pour être comprise de maîtriser parfaitement le domaine des échappements spéciaux et la cinématique horlogère dans son ensemble. En un sens ici, l’exception s’associe à l’excellence. On peut en dire autant de la manufacture Grand Seiko, dont les pièces éditées en petites séries sont des modèles d’élégance et de précision.

Le modèle Spring Drive GMT Kanro synthétise cette rigueur exprimée avec sobriété et poésie. On retiendra aussi, comme possible choix parmi les maisons à fort potentiel, la manufacture allemande Glashütte Original, dont les pièces sobres et techniquement très abouties – comme le Sixties Chronographe Edition Annuelle – sont accessibles, rares et aptes à satisfaire les inconditionnels de belle mécanique. Dotés d’une rare puissance graphique, les instruments signés Ferdinand Berthoud
séduiront les puristes épris d’une tradition remise au goût du jour. Avec les nouvelles créations qu’il est possible de “customiser”, les fanatiques de pure mécanique sont servis. Ils le sont aussi avec les étonnantes éditions de la manufacture Greubel Forsey. Cette maison, connue des “extrêmophiles horlogers” pour ses réalisations décoiffantes, propose – comme avec la GMT Sport – des références tout à fait adaptées aux extravertis désireux de porter au poignet une montre qui ne passe pas
inaperçue. Mais toutes ces marques ont finalement le même but à atteindre : toucher une clientèle éduquée n’ayant pas peur de dépenser plusieurs dizaines ou quelques centaines de milliers d’euros pour avoir au poignet un produit pratiquement unique, que seuls les experts ayant la culture du métier remarqueront.