Of Specter or Returns, une exposition de Jane Jin Kaisen au Bicolore de la Maison du Danemark

Publié

20 février 2023

Jusqu’au 23 avril 2023, Of Specter or Returns est la première exposition personnelle de Jane Jin Kaisen en collaboration avec le curateur et écrivain Yann Chateigné Tytelman, au Bicolore de la Maison du Danemark en France.

Jane Jin Kaisen est une artiste visuelle, cinéaste et professeure d’arts médiatiques à l’Académie royale des beaux-arts du Danemark. Utilisant des installations vidéo, des films narratifs expérimentaux, la photographie, la performance et le texte, la pratique artistique de Kaisen s’appuie sur la recherche interdisciplinaire et puise son engagement auprès des communautés minoritaires.

Dans son œuvre féministe fortement visuelle, à la fois poétique, polyphonique et performative, passé et présent se correspondent à de multiples niveaux. En comprenant les thèmes de la mémoire, de la migration, des frontières et de la traduction, elle crée un carrefour entre l’expérience vécue et de la connaissance avec les espaces plus larges des histoires politiques. Son travail est une négociation et une médiation de la représentation, de la résistance et de la réconciliation, aboutissant à différentes généalogies et lieux d’émergence collective.

Une première exposition personnelle en France

Of Specters or Returns est la première exposition personnelle consacrée à Jane Jin Kaisen en France. L’exposition et les événements liés à l’exposition ont été conçus en collaboration avec le curateur Yann Chateigné Tytelman.

Réunissant des œuvres sélectionnées entre 2016 et 2020, l’exposition explore des thèmes tels que l’héritage de la guerre froide, la division de la péninsule coréenne, les mémoires et les traumatismes intergénérationnels, les aspirations non satisfaites à la paix et à la solidarité internationale des femmes. L’installation triptyque de caissons lumineux Apertures Specters Rifts (2016) est née de la visite de deux délégations féminines internationales en Corée du Nord : la première en mai 1951, avec la journaliste danoise et la défenseuse des droits des femmes Kate Fleron pendant que la guerre de Corée faisait rage ; la deuxième fois en mai 2015, 70 ans après la division de la Corée.

Kaisen faisait partie d’une délégation de 30 femmes qui ont traversé en 2015 la DMZ (la zone démilitarisée qui divise la péninsule) entre les deux Corée à l’occasion de la Journée internationale des femmes pour la paix et le désarmement pour mettre en lumière le statut non résolu de la guerre de Corée et promouvoir la participation des femmes aux négociations de paix internationales. La vidéo « Sweeping the Forest Floor » (2020) invite à une réflexion plus approfondie sur les effets à long terme de la guerre sur les civils et l’environnement naturel.

La vidéo a été tournée dans la zone démilitarisée de la Corée à l’aide d’une caméra montée sur la poignée d’un détecteur de mines, conçu pour retrouver attentivement les mines terrestres qui infestaient la région.

Of Specters or Returns (2020) est une installation lumineuse immersive qui constitue la pièce maîtresse de l’exposition – et en donne son nom. L’œuvre se compose de sept boîtes qui illuminent tout l’espace d’exposition d’une lumière rouge intense. À l’intérieur de ces boîtes se trouvent divers objets et matériaux rares collectés par l’artiste au fil des ans en Corée du Nord, en Corée du Sud, aux États-Unis et au Danemark. Dans Of Specters or Returns, Kaisen entame une conversation à travers le temps et l’espace, empruntant des extraits du livre de 1952 de Kate Fleron « From North Korea: A Journey to the End of the World« . Dans le livre, Fleron raconte sa participation dans le cadre de la délégation en Corée du Nord et le rôle qu’elle a joué pendant la Seconde Guerre mondiale. Kate Fleron fut l’une des grandes figures de la Résistance danoise pendant l’occupation nazie, elle a été emprisonnée au camp de concentration de Frøslev. Ces extraits du livre de Fleron ont été imprimés en UV sur des boîtes en plexiglas rouges et sont affichés à côté des notes écrites par Kaisen pendant et après son voyage en Corée du Nord.

L’écriture de Fleron aborde l’immédiateté de la guerre, tandis que l’écriture de Kaisen aborde ses effets à long terme tout en réfléchissant à sa propre implication dans la mission de la délégation. Tandis que les ressortissants des deux Corée ne sont pas autorisés à traverser la frontière pour se rendre visite, Kaisen souligne sarcastiquement qu’elle a pu traverser en raison de sa nationalité danoise, « acquise sur le plan personnel par adoption transnationale au prix d’une séparation et d’une rupture des liens familiaux ».

Enquête personnelle et artistique

Depuis 15 ans, Kaisen (né en Corée du Sud en 1980, adoptée au Danemark la même année) enquête sur l’héritage de la guerre, le militarisme et la division entre mémoire individuelle et mémoire collective. Elle est incroyablement sensible aux perspectives et positions minoritaires, ainsi qu’à l’histoire des immigrations et des diasporas.

Jeune adulte, elle acquière des connaissances en tant qu’adoptée transnationale et participe activement à la vie des diasporas en Corée, en Europe et aux États-Unis contestant les interprétations normatives de la race, de la culture, de l’ethnicité et de l’appartenance. Depuis lors, Kaisen s’est concentrée sur les thèmes du genre et du militarisme, de l’adoption transnationale et de la présence militaire américaine en Corée, tout en examinant de manière critique l’héritage colonial au Danemark et en Scandinavie.

Son engagement historique envers les thèmes de la guerre et du militarisme découle également du fait qu’elle est née sur l’île de Jeju.

Pour Kaisen, l’île de Jeju n’est pas seulement « la terre de ses ancêtres » ou une mention de biographie. Dans ses autres œuvres, Kaisen explore la spiritualité unique, la cosmologie matriarcale et la nature de l’île, tout en questionnant l’histoire politique et la signification géopolitique de Jeju. Cela est particulièrement vrai dans son travail traitant du Massacre et de la Résistance du 3 avril 1948 sur l’île. Cet événement fait suite à une série d’événements historiques à noyau idéologique : le départ des colons japonais, la guerre froide, la division de la péninsule coréenne.

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