Il est des voitures qui traversent les époques avec une aisance désarmante. La Renault 4, affectueusement surnommée « la 4L », est de celles-là. À la fois utilitaire, familiale, étudiante, baroudeuse et icône vintage, elle incarne une France en mouvement, populaire, et pleine d’ingéniosité. Retour sur l’évolution et la légende d’un modèle qui a marqué plus d’une génération.
R4, une révolution à la Française
Lancée en 1961, la Renault 4 est née d’un constat simple de Pierre Dreyfus, alors PDG de Renault : il fallait une voiture « blue-jean », pratique, abordable et capable de s’adapter à tous les modes de vie. Une voiture que l’on puisse utiliser pour aller au marché, traverser les champs ou emmener les enfants à l’école.
Elle fut conçue pour concurrencer la Citroën 2CV, alors reine des campagnes françaises. Mais à la différence de cette dernière, la Renault 4 s’offre un hayon arrière, une traction avant, une suspension souple et un habitacle modulable, des innovations qui la rendent immédiatement polyvalente.
Sous son capot, un modeste moteur de 747 cm³, mais l’essentiel est ailleurs : sa robustesse, son confort relatif et surtout, son coût réduit la propulse en une auto révolutionnaire.
Une évolution constante
Produite pendant plus de 30 ans, jusqu’en 1992, la Renault 4 connaîtra de nombreuses déclinaisons : la version fourgonnette (R4 F4, F6), la R4 Plein Air (version cabriolet), ou encore la version Safari, pensée pour les marchés étrangers.
Avec plus de 8 millions d’exemplaires vendus dans plus de 100 pays, elle devient l’un des modèles les plus diffusés au monde. Elle séduit autant les jeunes conducteurs que les artisans, les curés de campagne que les professeurs d’université.
À travers les années, elle évolue par petites touches, adoptant des moteurs plus puissants (jusqu’à 1 108 cm³), des boîtes de vitesses améliorées et quelques rares retouches esthétiques. Mais son allure reste inchangée, presque intemporelle.
Une icône de l’imaginaire collectif
La 4L dépasse rapidement le simple statut d’automobile. Elle devient un symbole de liberté, de praticité, et d’un certain art de vivre à la française. On la retrouve dans les films, les bandes dessinées, les publicités. Elle incarne à elle seule la démocratisation de l’automobile dans les Trente Glorieuses.
Elle est aussi l’héroïne d’un événement devenu culte : le 4L Trophy, un raid humanitaire réunissant chaque année des centaines d’étudiants qui traversent le désert marocain au volant de leur Renault 4. Une preuve, s’il en fallait, de sa longévité et de son attachement dans le cœur des jeunes.
Renaissance et Héritage
Aujourd’hui, la 4L connaît une nouvelle jeunesse. Très prisée des collectionneurs et des amateurs de véhicules anciens, elle est aussi chère à Renault, qui propose une renaissance électrique du modèle, dans le sillage de la R5 E-Tech.
Preuve que la nostalgie peut rimer avec innovation, et que l’esprit de la Renault 4, pratique, populaire, accessible, est plus vivant que jamais.
Une mécanique simple mais redoutablement efficace
La Renault 4 brille par sa simplicité mécanique et sa fiabilité. Au lancement, elle est équipée d’un modeste moteur essence de 747 cm³ développant à peine 23 chevaux. Suffisant pour atteindre 100 km/h – une vitesse honorable pour l’époque. Au fil des ans, les motorisations évolueront, culminant avec le moteur 1 108 cm³ de la version GTL, développant 34 chevaux et permettant une vitesse de pointe de 120 km/h. Sa faible consommation, oscillant entre 5 et 7 litres aux 100 km, en faisait une voiture économique et adaptée aux temps de crise.
Traction avant et boîte originale : un style à part
Fidèle à sa vocation de voiture pratique, la R4 est l’une des premières voitures françaises populaires à adopter la traction avant, ce qui lui confère une bonne stabilité, même sur route glissante. Elle se distingue également par son levier de vitesses en forme de tige, placé sur le tableau de bord, une curiosité devenue emblématique. La boîte manuelle, d’abord à trois rapports, passera rapidement à quatre, pour une conduite plus fluide.
Confort rustique mais redoutable sur toutes les routes
Conçue pour les routes parfois défoncées des campagnes françaises, la Renault 4 dispose d’une suspension indépendante aux quatre roues, avec des barres de torsion. Résultat : une tenue de route souple, capable d’absorber les nids-de-poule et les chemins de terre sans secouer ses occupants. Sa garde au sol généreuse lui permettait même de s’aventurer là où d’autres citadines auraient abdiqué, ce qui a participé à sa popularité chez les ruraux comme les aventuriers.
Une habitabilité révolutionnaire pour une petite voiture
Avec ses cinq portes, un atout rare à l’époque, et son intérieur modulable, la R4 innove du côté de l’habitabilité. Sa banquette arrière rabattable permet de transformer la petite citadine en véhicule de transport : le volume du coffre passe ainsi de 385 litres à plus de 1 300 litres, une prouesse pour une voiture de cette taille. Les sièges sont simples, l’ergonomie rudimentaire, mais l’espace intérieur est généreux et fonctionnel, accentuant le sentiment de liberté.
Multiples versions, un seul esprit
La Renault 4 se décline en de nombreuses versions au fil des années. La plus connue reste la 4L (le « L » pour Luxe), mais d’autres variantes marqueront les esprits : la fourgonnette F4, utilisée par les artisans, la version GTL plus puissante et mieux équipée, ou encore la Plein Air, version découvrable pour les loisirs. Des modèles spécifiques comme la 4L Sinpar à transmission intégrale, destinée aux terrains difficiles, montrent l’étendue des possibilités de la plateforme. Elle s’adapte à tout, sans jamais trahir son esprit d’origine.
Entretien facile, longévité impressionnante
L’un des grands atouts de la R4 réside dans sa facilité d’entretien. Sa conception volontairement rudimentaire la rend réparable avec peu d’outils, ce qui lui assure une longévité impressionnante. Les pièces sont interchangeables, le moteur accessible, et de nombreux propriétaires la réparent eux-mêmes. C’est cette robustesse mécanique qui lui a permis de s’imposer dans des zones rurales ou isolées, et qui fait encore aujourd’hui le bonheur des amateurs de mécanique simple et durable.
Une conduite authentique et accessible
La Renault 4 offre une expérience de conduite sans artifice. Pas de direction assistée, pas de climatisation, peu d’électronique : tout passe par le ressenti. Son rayon de braquage très court en fait un véhicule agile, même en ville. Sa visibilité panoramique et son gabarit compact lui confèrent une maniabilité exemplaire. Une fois adoptée, sa conduite simple mais directe crée une forme d’attachement irrationnel, comme si la voiture possédait sa propre personnalité.
La Renault 4 n’est pas une voiture comme les autres. C’est une part du patrimoine français, un véhicule qui a su évoluer sans jamais renier son essence. Plus qu’une automobile, elle est un repère, un souvenir roulant, une émotion partagée sur quatre roues. Et comme toutes les légendes, elle n’a jamais vraiment quitté la route.
Reportage & Photos Patrick Koune
