Saint-Tropez a vibré une nouvelle fois au rythme des yachts centenaires. Jeudi 2 octobre 2025, dans le cadre des Voiles de Saint-Tropez, dix-huit voiliers construits il y a plus d’un siècle se sont affrontés lors de la 14ᵉ édition du Gstaad Yacht Club Centenary Trophy.
Organisée par le Gstaad Yacht Club en collaboration avec la Société Nautique de Saint-Tropez, la régate s’est disputée sur un parcours de neuf milles nautiques dans une petite brise d’est. À l’arrivée, Leonore, un Q Class de 1925, s’est imposé pour sa première participation, devant Olympian et Mariska.
La Pursuit Race, une régate unique au monde
La singularité du Centenary Trophy réside dans son format : la Pursuit Race. Chaque voilier prend le départ de manière décalée, en fonction de son rating, avec un objectif limpide : franchir la ligne d’arrivée en premier. Une équation d’équité qui permet aux unités de toutes tailles de concourir sur un pied d’égalité, du ketch Sky de 1890 au sloop Leonore de 1925.
Des silhouettes fines, des gréements élancés, des coques de bois aux reflets patinés par le temps : les yachts engagés ne sont pas de simples bateaux, mais des morceaux vivants d’histoire maritime. Cette année encore, le public massé sur le Môle Jean Réveille a pu admirer un véritable ballet nautique, rythmé par le passage successif des 18 concurrents sur la ligne de départ face à la Tour du Portalet.
L’événement avait débuté la veille avec la traditionnelle Swiss Night sur la place des Lices, rendez-vous convivial célébrant la Suisse et marquant le coup d’envoi festif de ce trophée si particulier. Mais dès jeudi midi, l’heure n’était plus aux réjouissances terrestres. À 12h30 précises, Viola (1908) s’élançait en premier sur la ligne de départ tracée face à la Tour du Portalet, suivi successivement par les autres concurrents selon l’ordre défini par leur rating.
La première victoire de Leonore
Septième à quitter la ligne de départ, Leonore a rapidement donné le ton. Porté par des conditions idéales pour son plan de voilure, le sloop bermudien a peu à peu remonté la flotte. Premier à virer la bouée rouge mouillée à l’extérieur du golfe, il a ensuite conservé son avance sur ses poursuivants. Après une remontée régulière et maîtrisée, il a franchi la ligne d’arrivée en tête, remportant ainsi la victoire pour sa première apparition dans l’épreuve. Derrière lui, les P-Class Olympian (1913) et Corinthian (1911) tentaient de s’accrocher, mais le centenaire norvégien filait vers la victoire.
Construit en 1925 sur des plans de l’architecte naval norvégien Johan Anker, Leonore célébrait cette année son centième anniversaire. Un symbole fort pour un voilier qui n’avait encore jamais pris part à la régate tropézienne. Son skipper, l’Italien Mauro Pelashier, affichait sa satisfaction à son retour au ponton : « C’était difficile mais les conditions étaient idéales pour notre bateau, qui est très rapide dans du vent léger et instable. Nous sommes très heureux, pour le bateau et l’équipage. Nous sommes aussi très contents d’être ici à Saint-Tropez et d’avoir participé au Centenary Trophy. »
Derrière lui, Olympian a pris la deuxième place. Triple vainqueur de l’épreuve en 2014, 2019 et 2021, il espérait accrocher une quatrième victoire. « Nous avons gagné trois fois ce Trophée. Nous espérions une quatrième fois mais finalement, nous avons terminé deuxièmes. Malgré tout, nous sommes très contents. Mes amis Italiens ont gagné. Ils sont extrêmement bons. Leonore est un bateau que je connais bien parce que j’ai beaucoup régaté contre lui avec Jour de Fête. Nous les avons rattrapés, mais pas assez. C’est une épreuve formidable, que j’adore », a confié Bruno Troublé, skipper d’Olympian. La troisième place est revenue à Mariska, autre habitué des podiums méditerranéens.
À son arrivée au ponton, son skipper Mauro Pelashier ne cachait pas son émotion :« C’était difficile mais les conditions étaient idéales pour notre bateau, qui est très rapide dans du vent léger et instable. Nous sommes très heureux, pour le bateau et pour l’équipage. Participer à cette régate à Saint-Tropez est un privilège, et la remporter est un immense bonheur. »
L’édition 2025 restera marquée par l’arrivée de trois nouveaux venus dans la flotte : Leonore (1925), Black Swan (1899) et Cariad (1896). Pour Manrico Iachia, Commodore du Gstaad Yacht Club, le bilan est très positif : « Le Centenary Trophy est l’événement phare de notre club. Il est connu dans le monde entier et très populaire auprès du public. Nous sommes ravis d’avoir réuni 18 bateaux centenaires venus de Méditerranée et d’Angleterre. L’année prochaine, nous devrions en avoir plus de 30. »
Des patrimoines vivants
Au-delà de la compétition, le Centenary Trophy incarne la transmission et la préservation d’un patrimoine maritime unique. Chaque yacht raconte une histoire, parfois centenaire, que ses propriétaires et équipages perpétuent avec passion.
Pour Bruno Troublé, skipper d’Olympian, l’attachement à l’événement est évident : « J’ai participé à presque toutes les éditions. C’est une épreuve formidable, que j’adore. Nous espérions une quatrième victoire, mais voir mes amis italiens de Leonore l’emporter est une grande satisfaction. »
Le Gstaad Yacht Club, fondé en 1998 dans les Alpes suisses, a su imposer sa singularité : un yacht club loin de la mer, mais connecté au monde entier. Avec ses 400 membres issus de plus de 40 pays et son engagement fort pour la voile classique comme pour la durabilité environnementale, le GYC est devenu un acteur reconnu du paysage nautique international, et entretient un réseau de clubs réciproques sur tous les continents et organise jusqu’à 90 jours d’événements par an. Avec un groupe de marins passionnés mené par Manrico Iachia, navigateur italien et ancien compétiteur de l’America’s Cup, le Gstaad Yacht Club concrétise une idée audacieuse : créer un yacht club… en montagne.
Sa mission, affichée dès l’origine, est claire : « Créer un yacht club unique et global, loin de l’eau, et non pas un autre yacht club local près de la mer. »
Le GYC soutient la voile suisse, du niveau junior à la compétition olympique, et s’investit dans la préservation du yachting classique avec la création, en 2011, du désormais célèbre Centenary Trophy à Saint-Tropez. Engagé aussi dans les enjeux environnementaux, il a collaboré avec Sylvia Earle, la Blue Marine Foundation ou encore William Winram, ambassadeur de l’UICN pour les océans.
Ce qui paraissait au départ une excentricité, un yacht club sans accès à la mer, est devenu une réussite : un lieu de rencontre et de transmission de la culture maritime, ancré dans les Alpes mais tourné vers les océans du monde entier.
Quant à la Société Nautique de Saint-Tropez (SNST), fondée en 1862, c’est l’un des clubs de voile les plus anciens de Méditerranée. Dès ses débuts, elle attire des personnalités marquantes : l’écrivain Guy de Maupassant y navigue en 1887, tandis que le peintre Paul Signac, passionné de plaisance, en devient président entre 1908 et 1911.
Affiliée à la FFVoile et alliée au Yacht Club de France, la SNST n’a jamais cessé d’allier respect de la tradition et ouverture à la modernité. Forte d’une équipe de 500 membres, de nombreux bénévoles et d’un noyau permanent de professionnels, elle organise chaque année des rendez-vous nautiques majeurs comme Les Voiles de Saint-Tropez, événement phare de la voile classique et moderne, Le Festival ArMeN, Les Dames de Saint-Tropez, Les Voiles d’Automne, La course au large Paprec 600 Saint-Tropez. Le club accueille aussi des compétitions internationales d’envergure, dont l’étape française du Sail GP depuis 2021, ainsi que le 52 Super Series. En 2025, il organisera le Trophée Marblehead des Dragons.
Plus qu’un organisateur de régates, la SNST est un véritable gardien de l’esprit tropézien : un mélange de convivialité, de passion sportive et de respect pour la mer, qui fait de Saint-Tropez un lieu incontournable du calendrier nautique mondial.
Ensemble, les deux clubs donnent au Centenary Trophy une résonance particulière, où l’élégance des yachts centenaires s’accorde avec l’exigence sportive contemporaine.
En quatorze éditions, le Centenary Trophy a déjà couronné des bateaux mythiques, de Bonafide en 2011 à Oriole en 2024, en passant par Spartan, Tilly XV, Kismet et bien sûr Olympian. L’entrée de Leonore dans ce cercle prestigieux ajoute un nouveau chapitre à cette histoire singulière, où l’élégance des yachts centenaires rencontre l’intensité de la compétition. Le rendez-vous est d’ores et déjà pris pour la 15ᵉ édition, en 2026, où le spectacle promet d’être encore plus grandiose avec une flotte appelée à s’élargir.
Avec trois nouveaux venus cette année, Leonore (1925), Black Swan (1899) et Cariad (1896), la flotte s’est enrichie d’unités emblématiques. Pour Manrico Iachia, Commodore du Gstaad Yacht Club, l’édition est déjà un succès : « Le Centenary Trophy est l’événement phare de notre club, connu dans le monde entier et très populaire auprès du public. Nous sommes ravis d’avoir accueilli 18 bateaux cette année et espérons en réunir plus de 30 pour la 15ᵉ édition. »
Alors que le soleil se couchait sur le golfe de Saint-Tropez, les équipages pouvaient savourer un moment rare : celui de naviguer dans l’élégance et la camaraderie, là où la beauté des lignes anciennes s’accorde avec l’émotion sportive. Le Centenary Trophy, plus que jamais, demeure une célébration vivante du yachting classique.
Patrick Koune
Photos : © Juerg Kaufmann for GYC