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l’avènement des métiers d’art

l’avènement des métiers d’art

Les métiers d’art représentent l’héritage de savoir-faire parfois séculaires dans une quinzaine de secteurs et plus de 280 activités. En France, leur chiffre d’affaires s’élève à 15 milliards €, réalisé par plus de 60 000 entreprises qui génèrent 120 000 emplois. L’horlogerie et la bijouterie-joaillerie figurent en bonne place dans le classement de ceux qui font le plus appel aux métiers d’art, avec des spécialisations diverses et parfois croisées.Les Français sont attachés aux métiers d’art. Pour preuve, ils plébiscitent chaque année “Les journées européennes des métiers d’art”, un événement qui permet au public de rencontrer les artisans dans leur atelier pour une démonstration en direct de leur savoir-faire. La manifestation s’est tenue au début du mois d’avril dernier, conjointement dans 18 pays européens. Mais sait-on vraiment ce qu’est un métier d’art ? L’article 22 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises en donne une définition légale : “relèvent des métiers d’art, […] les personnes […] qui exercent, à titre principal ou secondaire, une activité indépendante de production, de création, de transformation ou de reconstitution, de réparation et de restauration du patrimoine, caractérisée par la maîtrise de gestes et de techniques en vue du travail de la matière et nécessitant un apport artistique”.

Les secteurs de l’horlogerie et de la bijouterie-joaillerie ont toujours fait appel aux métiers d’art. Non seulement, pour les activités qui relèvent de leur catégorie mais aussi, dans d’autres domaines comme le verre, la céramique, l’émail, le métal, le cuir, le textile. L’une des plus belles illustrations de l’utilisation de savoir-faire croisés est à mettre au crédit de L’Orchestre joaillier, un mouvement artistique et philosophique au service des arts joailliers. Le designer de joaillerie Frédéric Mané est à l’initiative de L’Orchestre joaillier mais s’il tient la baguette, rien n’aurait été possible sans les sept autres artistes qu’il a fédérés autour d’une idée : avancer dans la haute joaillerie à visage découvert. Le monde feutré et secret de la Place Vendôme a ses us et coutumes qu’il n’est pas question d’enfreindre. Cette jeune génération conserve le plus profond respect pour
les arts joailliers, où chaque spécialité exige une discipline sans faille. Elle a simplement décidé d’y insuffler un peu d’impertinence et de fantaisie, afin de faire quelque peu bouger les lignes.

Leur première réalisation collective illustre tout à la fois le savoir-faire de chacun et la force du groupe. La bague Boa Constrictor est en réalité une pièce modulable : transformable en broche, en pendentif sur une chaîne ou en clip sur un sautoir. À la demande d’une cliente de Frédéric Mané, une bague délaissée depuis des années a été transformée en un bijou sur-mesure. Parée de pierres précieuses (émeraude, rubis, diamants blancs et noirs) et fines (aigue-marine, grenats tsavorites et saphirs jaunes), d’or et d’émail grand feu, cette pièce d’exception représente une interprétation de la personnalité de sa commanditaire.

De la tradition à l’innovation
Chacun des membres de L’Orchestre joaillier, en fonction de sa spécialité, est intervenu dans ce projet sur le design, le prototypage, la joaillerie, l’émaillage, le sertissage mais aussi, la scénographie et la prise de vue nécessaires à la révélation de cette première réalisation collective. Huit joailliers et créateurs se sont totalement mis au service des arts joailliers : Frédéric Mané, designer joaillerie et objets précieux (Design studio Frédéric Mané) ; Victor Borel, designer de prototypage pour la
Place Vendôme ; Marie Grimaud et Félix Albert, joailliers et fondateurs de l’Atelier Miix ; Marie Oberlin, émailleuse en joaillerie ; Jonathan Bauché, sertisseur haute joaillerie pour la Place Vendôme ; William Amor, artiste plasticien ; Yoann l’Hostellier, photographe spécialisé en joaillerie. Aucune marque ni maison de la Place Vendôme ne se cache derrière ce mouvement artistique, dont la philosophie est celle du travail bien fait.

Vers l’excellence en joaillerie
Comme l’explique la créatrice Isabelle Souppe pour In Fine Joaillier Créateur, “mon métier de joaillier est déjà en soi un métier d’art. Pour d’autres métiers d’art, je fais appel à des spécialistes, notamment pour la gravure ou le sertissage.” Isabelle Souppe n’écarte pas l’idée d’explorer d’autres techniques si l’occasion se présente, comme l’émail grand feu ou l’ébénisterie. “Ce sera le cas si un jour je parviens à faire des petits objets précieux qui marient l’art de la joaillerie et l’art de l’ébénisterie.”
D’une manière traditionnelle, les maisons de la Place Vendôme mettent de plus en plus en avant les métiers d’art pour enrichir leurs créations joaillières et les faire évoluer vers une forme d’excellence. Pour sa collection Sunlight Escape, Piaget a travaillé avec une artiste spécialiste de la marqueterie miniature, Rose Saneuil, qui a réalisé deux pièces uniques. La manchette et les boucles d’oreille Green Aurora arborent un camaïeu de vert, de bleu et de beige en marqueterie de bois sur un support en or rose. Des tourmalines bleu-vert indigolites et des diamants soulignent l’éclat des pièces.

Prouesses techniques
En avant-première du Festival de Cannes, Chopard a dévoilé quelques pièces de sa Red Carpet Collection 2019, dont une parure composée d’un collier, d’une bague et d’une paire de boucles d’oreilles : des tanzanites taille cœur, des tourmalines Paraiba, des améthystes et des diamants dans des ronds d’or blanc et de titane. A lui seul, le collier a demandé 14 semaines de travail et illustre le talent des artisans de la maison Chopard, qu’elle appelle ses “mains d’art”.

Une autre parure est composée d’une bague et d’une paire de boucles d’oreille en forme d’orchidées. La tige en or et les bourgeons sont sertis de tsavorites sur une branche fine de seulement quelques millimètres. Des opales blanches irradient des reflets rosés du titane teinté et les pétales sont pavés de diamants, d’améthystes et de grenats ou bien recouverts d’une fine couche de céramique blanche. Il s’agit là d’une innovation et d’une prouesse technique. La maison Chopard avait déjà surpris au début de l’année lorsqu’elle a présenté sa collection Magical Setting, une démonstration que l’art du sertissage joaillier n’a pas encore dévoilé toutes ses prouesses. Cette nouvelle ligne est en apparence classique, avec une pierre de centre taille brillant et des pierres précieuses en entourage. En fait, la pierre centrale de cette fleur pavée est sertie de griffes pratiquement
invisibles et les pierres qui l’entourent sont maintenues en place sans support apparent, ni pièce de métal visible. Une technique brevetée qui permet à la lumière de mieux circuler autour des gemmes sans rencontrer l’opacité du métal et de les éclairer ainsi d’un jour nouveau.

Haute horlogerie
La maison londonienne Graff a exposé lors du salon Baselworld des montres entièrement serties de diamants jaunes, y compris sur le bracelet, dont un modèle de couleur Fancy Vivid Yellow. La pièce compte 204 diamants jaunes pour un total de 32 carats.

Haute horlogerie et métiers d’art ont toujours été intimement liés. La manufacture Rolex flirte avec la joaillerie dans son nouveau modèle Oyster Perpetual Cosmograph Daytona où le motif qui se dessine sur le cadran semble évoquer un pelage félin. Sur la lunette, 36 diamants taille trapèze et sur le cadran pavé laqué noir, diamants et laque noire entrelacent les compteurs de chronographe couleur champagne. Le tout est habité dans un boîtier en or jaune massif. Une autre manufacture de renom, Patek Philippe a présenté à Bâle son modèle 5231J heure universelle haut artisanat. Un cadran en émail cloisonné, réalisé à la main, y représente l’Europe, l’Afrique et les Amériques.

Carine