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Jeu de cache-cache avec le temps

Jeu de cache-cache avec le temps

A toutes les époques, les montres à secret ont su se jouer de la mode. Ces bijoux qui donnent l’heure en toute discrétion restent des pièces d’exception, que l’on remarque autant par l’ingéniosité de dissimulation de leur cadran, que pour la créativité mise en œuvre autour de ces objets infiniment précieux.

Dans un XXIe siècle sous l’influence des objets connectés en tous genres, qui prennent le pouvoir y compris sur nos poignets, quelques garde-temps font de la résistance. Ces montres-bijoux, nées à une époque où
les règles de la bienséance imposaient aux dames de s’enquérir de l’heure le plus discrètement possible, cohabitent toujours aujourd’hui sur le marché horloger avec les modèles les plus ostentatoires. Elles ne s’adressent certes pas à tout le monde, du fait de leur usage réservé aux mondanités ou à la sphère privée, mais aussi parce que ces pièces richement décorées sont produites en éditions extrêmement limitées, voire en pièces uniques.

Les montres à secret, comme il est d’usage de nommer cette catégorie, fascinent autant qu’elles peuvent susciter
l’étonnement de tous ceux qui ne sont pas sensibles à leurs atours. Elles sont principalement féminines, mais pas exclusivement. Avec les montres de poche et à gousset, les messieurs ont longtemps fait usage de garde-temps où l’heure demandait quelques manipulations avant d’être dévoilée. Lorsqu’elle s’est affichée sur tous les poignets, avec l’avènement des montres-bracelets, l’horlogerie féminine a parfois conservé ce sens de la discrétion. De nos jours encore, quelques maisons qui maîtrisent aussi bien l’art de l’horlogerie que celui de la joaillerie, jouent les gardiennes de cette tradition et se
plient à cet exercice de style qu’est la montre à secret.

Joaillerie et métiers d’art

Joaillerie et métiers d’art

Plusieurs techniques permettent de dérober au regard le mécanisme horloger. Parfois, c’est un clapet qui se
soulève. Le plus souvent, un capot orientable pivote pour dévoiler le cadran. Le modèle Reverso de JaegerLeCoultre n’appartient à aucune de ces catégories : son boîtier réversible a été mis au point il y a quatre-vingt dix ans, à la demande des joueurs de polo, pour protéger la montre côté recto. Aujourd’hui, cette référence emblématique est devenue un classique, adoptée par les femmes tout autant que par les hommes. A l’occasion du salon professionnel Watches & Wonders
de Genève, en avril dernier, Jaeger-LeCoultre a dévoilé quatre montres Reverso One Precious Flowers, dont le
boîtier double-face a été confié aux artisans de l’Atelier des Métiers Rares de la Grande Maison. Ces experts en arts décoratifs se sont inspirés de bijoux portés dans les années 1920 pour illustrer sur les boîtes la poésie des fleurs, un thème souvent présent dans la famille des montres à secret. Ces éditions, limitées à dix pièces pour chacun des quatre modèles, sont équipées du calibre manuel Jaeger-LeCoultre 846 à remontage manuel.

Trois types d’expertises ont été nécessaires pour réaliser la montre à secret Exquisite Moments de Piaget, un bracelet précieux qui illustre le plumage d’un oiseau et a demandé pas moins de 800 heures de travail, mobilisant les savoir-faire de gemmologues pour la sélection des pierres, de joailliers pour la réalisation du bracelet et d’horlogers pour le mécanisme : en guise de clapet, c’est un diamant qui se soulève et révèle un minuscule cadran. Cette pièce unique est composés de 491 diamants taillés en 69 dimensions de taille marquise, pour un total de 87,23 carats. Deux diamants “Fancy Vivid Yellow”, parmi les gemmes les plus prisées au monde, illuminent de leur jaune vif toute la création. Autre pièce d’exception qui fonctionne sur le même principe d’un clapet qui s’ouvre sur le dessus, la spectaculaire manchette Serpenti Misteriosi Romani, la montre la plus chère jamais réalisée par Bulgari, pour une valeur autour de deux millions d’euros. Sur cette réalisation qui rend hommage à la joaillerie antique et aux gladiateurs, la tête du serpent, qui s’enroule et cache les aiguilles, est couronnée d’un saphir du Sri Lanka de 10 carats, son corps et ses écailles sont parés de plus de 60 carats de diamants et 35 carats de saphirs. Afin que le poignet se fonde dans le motif pour ne faire qu’un avec le serpent, la manchette est sertie d’écailles en
diamants taille baguette.

Territoire d’expression artistique

Nombre de modèles de montres à secret font appel au mécanisme plus simple du couvercle qui pivote, partiellement ou totalement, sur lui-même. A l’exemple de la nouvelle montre de joaillerie L’Epi de Blé que Chaumet dévoile au mois de juin et qu’elle a dotée d’un mouvement automatique. À travers un capot ajouré, apparaît le cadran en aventurine qui suggère la magie d’un ciel étoilé. Ce couvercle précieux est décoré de blé d’or sculpté en relief.
Autre nouveauté élaborée sur le même principe du capot mobile, Vivienne Bijou Secret de Louis Vuitton dissimule
l’heure sous le visage de la mascotte de la maison, le personnage Vivienne, qui rejoint l’univers de l’horlogerie
féminine. En or et 150 diamants taille brillant en serti neige, c’est un bijou qui couvre un boîtier de 21 mm en
or blanc, au cadran en marqueterie de nacre perlée. Une montre proposée notamment sur un bracelet de quatre
lignes souples et mobiles de rivières de diamants.

Chanel a également choisi de parer de diamants sa montre Camélia Baroque, simplement ourlée de laque
noire pour dessiner un quadrillage précieux. Un diamant taille brillant d’1,51 carat D VVS2 est serti au centre du capot de forme camélia. Chez Dior, ce capot rotatif figure une rose. Il est serti de saphirs roses, tout comme sur le bracelet de la montre D de Dior Précieuse à Secret. Hormis quelques grenats tsavorites et diamants qui illustrent les feuilles sur la lunette, ce bijou qui donne l’heure est totalement vêtu de saphirs roses, du bracelet au cadran, en passant par le capot.

La maison Van Cleef & Arpels crée des montres à secret depuis les années 1930 et aime à jouer avec le temps de différentes manières. Sur la pièce unique Secret de Coccinelle, le cadran est dissimulé sous une coccinelle qui glisse de haut en bas pour cacher ou dévoiler les aiguilles. Cette manchette est mue par un mouvement mécanique à remontage manuel. Elle est sertie d’émeraudes et de grenats tsavorites, tandis que la coccinelle est réalisée suivant la technique propre à Van Cleef & Arpels du Serti Mystérieux rubis suiffé.

Il arrive aussi que joailliers et horlogers choisissent la thématique des montres à secret comme un territoire d’expression artistique. La maison Harry Winston a ainsi créé un pendentif qui donne l’heure, Ultimate Kaleidoscope. Un objet précieux en or jaune serti de 576 diamants taille brillant et baguette, 119 saphirs bleus taille baguette, marquise et brillant, 16 tourmalines Paraiba, des saphirs roses ou incolores et des topazes. C’est une toute autre option qu’a prise Hermès avec Arceau Pocket Aaaaargh !, sa nouvelle montre de poche à l’effigiie du célèbre T-rex dessiné par l’artiste anglaise Alice Shirley. Rythmée
par le mouvement de manufacture H1924 à répétition minutes et tourbillon, cette pièce unique, présentée lors du dernier salon Watches & Wonders, abrite un cadran en émail blanc, protégé par un couvercle orné d’un tyrannosaure réalisé en marqueterie et en mosaïque de cuir. Montre de poche ou pendentif, l’objet se veut mixte. Rappelant par là-même que les montres à secret ne révèlent leur mystère qu’à ceux qui veulent bien les adopter.

Par carine Loeillet