À partir du 6 septembre 2025, les Champs-Élysées se muent en forêt enchantée. Avec La Cité Immersive des Fables, Paris accueille une exposition hors norme qui fait revivre Jean de La Fontaine et ses personnages éternels à travers une scénographie spectaculaire. Entre patrimoine littéraire et technologies immersives, le voyage s’annonce aussi poétique qu’audacieux.

Jean de La Fontaine, conteur intemporel
« Je me sers d’animaux pour instruire les hommes. » Derrière cette devise, La Fontaine cachait une ambition universelle : dire le monde, ses vanités, ses injustices et ses grandeurs, par le détour d’un renard, d’un corbeau ou d’une grenouille. Près de quatre siècles plus tard, son écriture conserve une fraîcheur ironique et une précision qui frappent autant les enfants que les adultes. Ses 243 fables sont des miroirs tendus à toutes les époques, de Versailles au monde connecté.
C’est précisément cette force intemporelle qu’explore La Cité Immersive des Fables, nouvelle création signée Cités Immersives, la société fondée par Jean Vergès et Anthony Samama. Après avoir fait voyager le public dans l’univers des Vikings à Rouen, le duo s’attaque à un monument de la littérature française. Leur pari : donner chair et voix aux fables grâce à un dispositif immersif inédit, accessible à tous.
Un écrivain multiple, au-delà des Fables
Né en 1621 à Château-Thierry, Jean de La Fontaine s’impose comme l’un des plus grands poètes du Grand Siècle. S’il fréquente la cour de Louis XIV et les salons littéraires parisiens, il conserve un esprit libre, volontiers frondeur, qui le place à la marge des courtisans. Ses Fables, publiées entre 1668 et 1694, transforment le patrimoine oral et les récits antiques en joyaux de concision et d’ironie. Derrière leurs animaux parlants se dessine une réflexion profonde sur la nature humaine, le pouvoir, la ruse et la fragilité des hommes.
À son époque, La Fontaine est autant célébré qu’il est redouté. Ses contemporains admirent l’élégance de son style et son art de la moralité, mais le pouvoir royal se méfie de son indépendance d’esprit : sous couvert d’animaux, il ose parfois égratigner les puissants. Son amitié avec Nicolas Fouquet, surintendant disgracié de Louis XIV, lui vaut d’ailleurs une réputation de poète frondeur. Pourtant, ses fables séduisent tous les milieux sociaux, des salons aristocratiques aux cercles populaires, tant elles résonnent avec la vie quotidienne. En 1684, il est élu à l’Académie française, consacrant son génie littéraire malgré une carrière marquée par l’ironie, la liberté et la légèreté.
Si Jean de La Fontaine reste universellement connu pour ses Fables, son œuvre ne se limite pas à ces courts récits moraux. Poète et conteur, il publie également des Contes et nouvelles en vers, d’inspiration italienne et parfois licencieuse, qui lui valent autant de succès mondain que de critiques sévères pour leur audace. Son goût pour la narration le conduit à s’essayer à l’épopée animale avec Le Poème du Quinquina, ou encore à la traduction et adaptation des Anciens, comme Esope ou Phèdre, qui nourrissent sa réflexion morale. La Fontaine compose aussi des poèmes élégiaques, des épîtres et des pièces de théâtre, mais c’est dans l’art du récit bref qu’il excelle. Ses écrits dessinent un portrait contrasté : celui d’un auteur capable de séduire les salons aristocratiques par son raffinement, tout en parlant à toutes les générations grâce à une langue claire, malicieuse et universelle.
Une plongée sensorielle au cœur des Fables
Sur plus de 1 000 m², les visiteurs deviennent les compagnons de route de La Fontaine. Dès l’entrée, le décor est posé : une végétation foisonnante, des jeux de lumière mouvants, un son spatialisé qui convoque bruissements, voix et musiques. Chaque salle devient un chapitre vivant.
Le parcours, environ 1h30 d’exploration, ressuscite les fables les plus célèbres : Le Corbeau et le Renard, Le Loup et l’Agneau, La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf. Les costumes et maquillages sont féériques, les dialogues modernisés avec subtilité, et les personnages incarnés par des voix et des visages familiers.
Un casting d’exception
Jean de La Fontaine prend les traits de Laurent Stocker (Comédie-Française). Alexandre Astier incarne un Lion majestueux, Arielle Dombasle un Loup hypnotique, Charles Berling un Renard rusé, tandis que Marie S’Infiltre se glisse dans la peau d’une Grenouille ambitieuse. Autour d’eux, une troupe éclectique donne vie à l’ensemble du bestiaire, avec la cantatrice Axelle Saint-Cirel en Corbeau.
La direction musicale, confiée au collectif Bon Entendeur, rythme la visite : leurs compositions électroniques mêlent archives sonores, voix iconiques et textures modernes. Les fables deviennent alors autant à écouter qu’à contempler.
Quand le XVIIᵉ dialogue avec le présent
Si le décor convoque le Grand Siècle, ses dorures et ses fastes, le parcours ne se limite pas à une reconstitution. À travers le vidéo mapping, le street art ou encore des références pop contemporaines, l’exposition propose des allers-retours constants entre hier et aujourd’hui. L’écriture de La Fontaine, tantôt moqueuse, tantôt grave, s’y révèle étonnamment actuelle : nos vanités d’hier ressemblent fort à celles d’aujourd’hui.
Le final de 25 minutes, un spectacle en projection 360°, se veut l’apothéose du voyage. Les fables s’y déploient sous toutes leurs formes visuelles, estampes, peintures, graffitis, tandis que les mots de La Fontaine résonnent dans une récitation réinventée.
Un projet à la croisée des arts et des savoirs
L’exposition s’appuie sur un comité scientifique exigeant, mené par Tiphaine Rolland, spécialiste de La Fontaine à la Sorbonne, et épaulé par des chercheurs tels que Patrick Dandrey et Didier Foucault. Cette rigueur académique garantit la fidélité au texte, tout en ouvrant la voie à une relecture vivante.
En parallèle, le youtubeur Nota Bene, suivi par plus de 4 millions d’abonnés, accompagne les visiteurs grâce à des vidéos pédagogiques diffusées sur des bornes interactives. La vulgarisation historique devient un relais naturel de l’œuvre, renforçant son accessibilité auprès des plus jeunes.
L’alliance du ludique et du poétique
Ce qui frappe dans La Cité Immersive des Fables, c’est la manière dont elle conjugue spectacle, pédagogie et divertissement. L’exposition revendique une approche inclusive : chacun, qu’il soit passionné de littérature, amateur d’arts visuels ou simple curieux, trouve une porte d’entrée dans l’univers de La Fontaine.
Cette ambition dépasse le seul cadre parisien. Après son ouverture en septembre 2025, l’exposition entamera une tournée en France et en Europe, poursuivant la mission de Cités Immersives : reconnecter les publics avec leur patrimoine, en inventant de nouveaux récits communs.
La Fontaine en 2025 : une voix toujours vive
Redonner chair aux mots de La Fontaine n’est pas qu’un geste esthétique. C’est aussi rappeler la puissance de la langue, sa musicalité, son ironie mordante. Dans un monde saturé d’images et d’informations, la poésie des fables s’offre comme un contrepoint salutaire : bref, incisif, universel.
À l’heure où la culture cherche sans cesse à séduire de nouveaux publics, La Cité Immersive des Fables illustre une voie prometteuse : celle d’un patrimoine littéraire transformé en expérience sensorielle. Une manière de rappeler que La Fontaine n’appartient pas seulement aux manuels scolaires, mais à chacun de nous.
Reportage : Patrick Koune
Informations pratiques
La Cité Immersive des Fables
5 rue de Berri, 75008 Paris
Ouverture le 6 septembre 2025
Ouvert tous les jours de 10h30 à 19h30 – Fermé les lundi et mardi matin
Adulte : 19,90€ – Réduit : 16,90€ Enfant : 13,90€ – Gratuit pour les moins de 6 ans