Ecuyer en chef du Cadre Noir depuis 2014, le colonel Patrick Teisserenc marque de sa présence et de son savoir-faire la continuité d’une tradition équestre d’excellence, de rigueur et de passion.
Diplômé de Saint-Cyr, militaire de carrière et officier de cavalerie il fit un premier passage au Cadre Noir en tant que stagiaire, instructeur puis écuyer de 1988 à 1992. La suite de sa carrière d’officier l’éloigne pour un temps des sports équestres militaires, d’abord en intégrant l’école de Guerre puis au sein de Etat-major de l’armée de Terre à Paris. En 2006, il est expert français pour la délégation permanente de la France à l’OTAN puis est nommé quelques années plus tard au Kansas en
tant que chef des officiers de liaison des forces terrestres françaises aux Etats-Unis et officier de liaison en charge de la doctrine, de l’entraînement et de l’enseignement supérieur de l’armée de terre des Etats-Unis. Parallèlement à sa carrière militaire, le colonel Teisserenc est cependant toujours resté cavalier, menant plusieurs chevaux personnels jusqu’en concours internationaux en France et en Belgique. Il a également été qualifié aux EtatsUnis pour les championnats américains de première catégorie.
Vous succédez aux grandes figures de l’équitation de tradition française et incarnez depuis plusieurs années l’image du Cadre Noir. En quoi aimeriezvous que votre rôle d’écuyer en chef marque l’évolution de cette prestigieuse institution ?
Un de mes illustres prédécesseurs, le Colonel Danloux, s’exprimait ainsi : “le culte de la tradition n’exclut pas l’amour du progrès”. J’aimerais, qu’en ces jours où l’avenir du Cadre n’est pas toujours assuré, que l’on
puisse dire que je l’ai mis sur la voie du progrès qui lui a garanti son futur. Les spectacles du Cadre Noir attirent aussi bien un public d’amateurs d’art équestre que de néophytes émerveillés par cet univers.
Orientez-vous votre direction vers une volonté de faire découvrir l’institution équestre au plus grand nombre ?
Oui, très clairement ce n’est pas un spectacle réservé aux cavaliers ou connaisseurs de chevaux et d’équitation. La mission du Cadre Noir est de faire rayonner l’art équestre. De plus, l’équitation de tradition française est inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2011. Cette inscription implique que nous nous sommes engagés sur des mesures de sauvegarde et les présentations publiques en France comme à l’étranger, en font partie.
Pensez-vous qu’au delà de l’art équestre lui-même, ces représentations sont un moyen d’inculquer des valeurs fondamentales aux plus jeunes ?
Il est amusant de constater en discutant avec le public après les présentations que le mot valeur ressort quasiment systématiquement. Au-delà de la performance et de l’esthétique, les spectateurs apprécient les valeurs d’un travail de précision. J’ai aussi souvent des remarques spontanées sur les valeurs “de la France”. Le Cadre Noir est vu comme un
représentant emblématique d’une nation importante et surtout chargée d’histoire. C’est aussi le “savoir-faire français” de l’équitation qui se définit par la finesse, l’élégance et la sobriété. C’est comme cela que nous reconnaissent les étrangers qui ont pu, de l’extérieur, observer notre façon de faire. Au vu de ce que disent les spectateurs, je pense en effet que ces présentations sont un moyen d’inculquer aux plus jeunes (mais pas que) des valeurs fondamentales.
Votre jument “Rendez-vous” a fait ses adieux au Manège de Saumur le 20 octobre dernier. Qu’avezvous ressenti à ce moment là ?
J’étais très ému. D’une part parce que je me sépare de cette jument très attachante. Je l’ai côtoyée pratiquement tous les jours depuis exactement quatre ans. D’autre part parce j’admire cet animal pour son courage, sa
gentillesse et sa bonne volonté. Elle n’a jamais failli pendant tout ce temps. Elle m’a accompagné sur mes premiers galas. Elle a d’ailleurs fait ses adieux avec moi bien-sûr et aussi avec son soigneur Olivier Prévault qui s’en occupe fidèlement depuis presque huit ans. J’ai aussi un sentiment de satisfaction pour sa retraite car elle retourne chez mon prédécesseur avec lequel elle avait déjà passé quelques années. Cet hiver elle restera en box pour s’acclimater à la Savoie, progressivement
elle ira dans les pâtures.
Le Cadre Noir sera présent au Millesium d’Epernay en mars 2019, en quoi cet événement est différent des précédents spectacles que vous avez pu assurer ?
C’est un gala rénové. C’est le résultat d’un projet qui aura duré 18 mois. Le défi était de changer pour faire une présentation plus moderne sans renier notre identité. Le début du travail a été de nous questionner sur notre identité et nos valeurs pour savoir jusqu’où aller et ce qui devait rester. Nous avons aussi décidé de mieux faire partager le lien entre l’écuyer et son cheval ainsi que les émotions générées par l’équitation. Il y a maintenant un fil conducteur : une journée symbolique au Cadre Noir d’où le nom : “au cœur du grand manège”. Elle est contée par un narrateur, un décor a été imaginé, les musiques ont été revues, le rythme a été amélioré, je n’en dis pas plus.
Quels sont les nouveaux challenges qui se présentent au Cadre Noir pour les années à venir ? Continuer à allier tradition et modernité ?
Oui, on peut le résumer comme cela. Pour ce qui est de la tradition, elle est parfois difficile à défendre d’un point de vue financier. Heureusement que l’on peut maintenant s’appuyer sur cette inscription UNESCO.
Pour la modernité, les présentations publiques ont déjà bien changé. Le dossier futur va être de mieux produire des connaissances et les faire partager. Deux ouvrages, l’un sur l’entraînement en dressage et l’autre
sur le concours complet seront bientôt à l’impression. Ils devraient former une base pour aller plus loin dans les chemins d’accès à la performance de haut niveau.