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Karl Mazlo, joaillier sculpteur du brut et du poétique

Karl Mazlo, joaillier sculpteur du brut et du poétique

Karl Mazlo ne façonne pas seulement des bijoux. Il redéfinit la matière, détourne les codes et transforme ce qui est oublié en précieuses réminiscences.

Présenté au salon Révélations au Grand Palais à Paris, du 21-25 mai 2025, Karl Mazlo incarne une joaillerie contemporaine où le geste devient langage.

Un héritage familial et un parcours d’exception

Héritier d’une tradition joaillière incarnée par son père, Robert Mazlo, Karl se forme à l’École Boulle, temple de la matière et de la rigueur artisanale. Il affine ensuite sa pratique au contact de divers ateliers, puis fonde en 2016 son propre espace de création à la Villa du Lavoir, à Paris. Lieu d’exploration plus que de production, son atelier devient un terrain d’expériences où le bijou se pense comme un acte artistique.

Un style à rebours du luxe classique

Loin des fastes convenus de la haute joaillerie, le joaillier s’approprie l’acier damassé, la brique, le béton, le marbre ou encore le laiton. Il les mêle à des métaux nobles, pour mieux sublimer leurs textures et aspérités. Inspiré par le wabi-sabi japonais, il revendique l’imperfection comme vecteur d’émotion. Sa résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto a d’ailleurs été un tournant majeur : elle l’amène à penser le bijou comme trace du temps et miroir du vivant.

Le wabi-sabi est un courant esthétique japonais issu de la philosophie zen, qui met en valeur la beauté des choses imparfaites, transitoires et simples. Plutôt que de rechercher la perfection ou la symétrie, il célèbre ce qui est humble, authentique et éphémère.

« Ma démarche est de re-questionner la pratique de la joaillerie, en proposant des alternatives responsables à l’utilisation de pierres précieuses. Par un jeu de textures et de lumière, je cherche à ennoblir des matières bruts par le travail de la main. »

Créations emblématiques

  • Sommets Bleus : série de bijoux uniques en or et lapis-lazuli, cette collection s’inspire du « lapis-lazuli » surnommé autrefois l’or bleu. Chaque pièce est taillée à partir d’un bloc brut et façonnée à la main pour évoquer des paysages miniatures : crêtes bleutées, veines dorées de pyrite, ciel étoilé. Un hommage à la nature et à sa poésie minérale.
  • Paysage Gris : bijoux et bagues issus de chutes d’acier damassé, forgées au Japon. Le métal, habituellement réservé à la coutellerie, révèle ici des motifs organiques, stratifiés et hypnotiques. En associant différentes couches d’acier, Mazlo transforme l’ordinaire en matière précieuse. Chaque pièce résiste au temps, marquant une alliance entre force et raffinement.
  • Ombres Portées : collection architecturale inspirée par Tadao Andō et Carlo Scarpa. Ces bagues, en or, argent ou platine, sont pensées comme des volumes modulables. Elles se combinent, s’empilent, se contemplent. Hors du corps, elles deviennent sculptures miniatures, souvenirs d’espaces silencieux et lumineux.
  • Black Garden : bague monumentale en acier damassé et son écrin mural sculpté, conçue comme une oeuvre à part entière. Le cœur du support est amovible, dévoilant un intérieur doré. Lauréate du Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main en 2021, cette création interroge le rapport entre bijou, écrin et exposition.
Ombres Portées – © ElodieCampeanu
  • Fragments Rouges : bijoux uniques à partir de briques d’Occitanie, serties comme des pierres précieuses. Chaque fragment, patiné par le feu et le temps, devient mémoire d’un savoir-faire disparu. Un travail né d’un workshop dans une tuilerie condamnée à fermer, où la matière brute devient poétique.
  • Objets de Rencontres : quatre verres à saké en étain réalisés à la Villa Kujoyama. Chaque objet est une évocation de paysage japonais, proche du haïku. Aucun outil n’a été utilisé pour modeler la texture : les empreintes naturelles parlent d’elles-mêmes, dans une sobriété essentielle.
  • Cube 2084 : sculpture parallélépipédique de 20,84 cm de côté. Écrin d’acier austère, intérieur en laiton ciselé, galvanisé, fondu. Le poli miroir ouvre sur un théâtre lumineux et énigmatique. Deux personnages symboliques habitent le cube, invitant à l’imaginaire.
  • Ensô : miniatures circulaires en collaboration avec Shimura Yasutoshi. Fabriquées à partir d’empreintes naturelles du Mont Fuji, ces pièces sont fondues sans outils. Le cercle zen devient symbole de totalité, d’harmonie et de respiration intérieure.
  • Louboutin x Mazlo : deux plastrons ornés des iconiques rouges à lèvres Louboutin. Karl Mazlo évoque l’Égypte antique, chère à Christian Louboutin, pour sculpter une vision glamour et sacrée de la féminité. Travail du métal pour sublimer lumière et brillance, chaque rouge devient talisman.
  • Moët & Chandon x Mazlo : quatre sculptures en laiton pour jéroboams Moët Impérial. Reflets, sphères, textures ciselées : l’oeuvre illustre l’effervescence du champagne et les lignes du terroir champenois. Trois exemplaires ont été produits, dont un vendu 25 000 € en France, pour célébrer les 280 ans de la maison.

Artisan autant que passeur, Karl Mazlo accueille dans son atelier des jeunes créateurs comme Virgile Bruniau, lauréat du Prix Savoir-Faire en Transmission 2024. Ensemble, ils réinvitent des gestes anciens dans une perspective contemporaine. Chaque création devient alors une filière, un témoignage de continuité autant que d’élan.

Chez Karl Mazlo, le bijou n’est jamais simple ornement. Il est écriture de la matière, archive du geste, métaphore habitée. Entre rigueur de l’artisan et souffle du poète, il bouscule les codes et redonne au bijou sa force symbolique originelle. Une oeuvre à contempler, à porter, à penser.

« Pour mes yeux d’enfant, les bijoux étaient un émerveillement, quelque chose de magique, une sorte de trésor qui pouvait conférer des pouvoirs. Aujourd’hui, c’est surtout une forme d’expression. » Karl Mazlo

 

Ema Lynnx